Née au milieu du siècle des Lumières, Julie de Montaignan était la deuxième fille de petits hobereaux poitevins. Depuis enfant elle se savait en trop, et que ne pouvant donner de dot convenable qu’à l’aînée, ses parents la mettraient au couvent, sauf si sa beauté lui conférait quelque valeur supplémentaire aux yeux des épouseurs ; mais dès qu’elle eut dix ans, sans qu’elle fût vraiment vilaine, elle sut qu’il n’y fallait pas vraiment songer et accepta cet avenir bouché par sa sœur. Les portes du couvent se refermèrent. Les années s’envolèrent pour elle comme pour ses compagnes. De temps en temps, un parent accompagné d’un inconnu, généralement âgé, venait observer l’une d’elles à travers les grilles. Parfois l’affaire se faisait, les tendres nœuds de l’hymen se nouaient, et le départ laissait un grand vide que ne comblaient pas Dieu et les anges. Chaque fois que Julie ressentait un grand désir du monde, elle s’ingéniait à le réprimer par toutes sortes de moyens...
Tout est emprunté, même la vie.