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Affichage des articles associés au libellé Boris Cyrulnik

Que regardent nos émotions ?

« Dans la mémoire de soi, la vérité des choses est partielle : on ne se rappelle presque rien des milliards de milliards d'informations qui chaque jour nous pénètrent. Puis, on fait une représentation avec ces presque riens qui donnent une forme imagée à ce que nous ressentons. C'est à ce théâtre intime que nous répondons en applaudissant, en pleurant ou en nous indignant, alors que nous ignorons les traces non conscientes et les souvenirs empêchés de nos refoulements. » Boris Cyrulnik, Sauve-toi, la vie t'appelle, Odile Jacob, 2012 Mark Rothko

Ambivalence de l'Utopie

     Quand on se soumet à une représentation, au point de la couper de toute perception réelle, on réalise une abstraction utopique. Quand on rêve d'habiter un non-lieu, une cité idéale où les âmes seraient parfaites, on éprouve un sentiment d'euphorie et de toute-puissance béate. Cette idéalisation est différente du refuge dans la rêverie où l'on souffre moins quand on fuit un réel insupportable. Je me réfugiais dans la rêverie quand, enfant, je fuyais la société persécutrice pour m'isoler dans un souterrain lumineux, affectueusement protégé par mes amis animaux.      Au contraire, un utopiste imagine : "Ce serait merveilleux de vivre ensemble dans une cité pure et juste d'où le mal serait éradiqué. Nos relations seraient angéliques. Nous serions transparents puisque, tous pareils, sans différences, sans étrangers, nous n'aurions rien à cacher, nous penserions comme une seule âme." En Utopie, toute manifestation intime est un acte de désolidar...

Un monde d'enfant

C'était donc au petit matin, cette nuit-là. J'habitais chez les Farges, j'avais six ans et j'étais dans mon lit lorsque j'ai été réveillé par des bruits dans la maison. Il y avait beaucoup de monde dans le couloir. J'étais frappé par cette présence de soldats et d'officiers – et surtout de policiers français en civil, avec leurs lunettes noires, leurs chapeaux et leurs revolvers – je trouvais absurde qu'ils aient des lunettes noires la nuit, ça m'intriguait. J'ai alors pensé que les adultes n'étaient pas des gens très sérieux – je n'ai d'ailleurs pas changé d'avis depuis ! – et dans le couloir il y avait aussi des soldats allemands en armes, qui semblaient gênés puisqu'ils regardaient le plafond. Ils regardaient en l'air, peut-être – j'espère – parce qu'ils avaient honte d'arrêter un enfant de six ans et demi. J'espère que c'est ça, mais je n'en suis pas sûr ! Je me rappelle bien la scène, je la ...