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Affichage des articles associés au libellé Pierre Boncompain

Dans le fleuve d'Héraclite

  Dans le fleuve d'Héraclite poisson pêche poissons, poisson équarrit poisson avec poisson tranchant, poisson construit poisson, poisson habite poisson, poisson s'enfuit de poisson assiégé. Dans le fleuve d'Héraclite poisson aime poisson, tes yeux, dit-il, brillent comme poissons au ciel, je veux nager avec toi jusqu'à la mer commune, ô, toi, la plus belle du banc. Dans le fleuve d'Héraclite poisson inventa poisson des poissons, poisson se met à genoux devant poisson, et chante, et prie pour que poisson lui accorde une nage légère. Dans le fleuve d'Héraclite moi poisson singulier, moi poisson distinct, (ne serait-ce que de poisson-arbre et de poisson-rocher), j'écris à mes heures petits poissons à l'écaille si furtivement argentée, que c'est peut-être la nuit qui cligne des yeux, perplexe ? poème de Wislawa Szymborska, traduit du polonais par Piotr Kaminski Quelques extraits du commentaire que Marcel Conche a fait de ce poème, dans Présence de la nat...

Parole de Dabondi

La pluie sentit l'odeur de la fille vierge et de son haleine chaude s'insinua dans la case. Elle se glissa par les lézardes de la porte se faisant passer pour du brouillard. Et ainsi, sous cette forme informe, la pluie séduisit la jeune fille et la fit rêver d'elle. En rêve, la fille vit un nuage planer. À l'entrée de chez elle s'agenouilla le nuage, afin qu'elle grimpât sur son dos. Et sur cette couche elles dormirent toutes deux, la fille et la pluie. Ce fut alors que les cieux s'effondrèrent assortis des dieux. Et toute la terre se parfuma. Ça sent la pluie, disent les hommes. Et ils ne savent pas où naît ce parfum. Mia Couto, Le Buveur d'Horizons (Les sables de l'empereur, Livre 3 de l'édition Métailié, 2020) Pierre Boncompain, Naïades

Une conversation

  Les prisonniers africains sont conduits dans un coin à l'ombre. Ils reçoivent des biscuits et un verre de vin. Et ils restent là, engourdis de fatigue. Dabondi se détache à nouveau du groupe et vient s'asseoir à mes côtés. Elle a gardé un reste de boisson au fond de son verre. Elle en laisse tomber quelques gouttes sur le sable chaud. Elle apaise la soif des défunts depuis que le monde est né. — Tu sais comment j'ai appris à parler avec les fleuves ? C'était à l'adolescence, dit-elle. Cela s'est passé avant que le roi ne me prenne pour épouse. Tous les matins, elle observait une araignée entrer et sortir d'un trou dans la cour de sa maison. Entre ses pattes, l'animal transportait de la rosée au tréfonds de la terre. Elle travaillait comme un mineur à rebours : elle puisait dans le ciel pour accumuler dans le sous-sol. Cette occupation durait depuis si longtemps qu'au fond de son terrier était né un grand lac souterrain. La reine voulut aider l'...