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Affichage des articles associés au libellé Louis Flach

Côté mer

  Il y avait bien une heure que le car roulait sur la route de corniche quand une inquiétude me prit sur sa destination. Je ne savais à peu près rien de l’oncle qui allait m’accueillir. Je m’étonnais de n’avoir encore jamais cherché à me représenter son visage. Lorsque, huit jours plus tôt, mes parents m’avaient transmis, avec une décourageante tiédeur, sa proposition de m’héberger pour la durée des vacances, je n’avais pas eu une pensée pour l’inconnu. Ce n’était pas lui, c’était la mer qui m’invitait à glisser indéfiniment, entre deux traînes d’écume, d’atterrages secrets en anses paradisiaques. Le car semblait ne devoir jamais finir de louvoyer au-dessus de calanques abruptes et tortueuses. Du dernier point qu’atteignait la route, il faudrait encore une heure de marche pour arriver jusqu’au hameau maritime où j’étais attendu. C’était, disait-on, un minuscule village dédaigné par l’enfance et la jeunesse. Les gens que j’y verrais seraient sans doute pareils au gros homme qui, ass...

Le portrait d'Oriane G.

   Au sud de la ville, nous avons un beau cimetière qui occupe tout un versant de colline face à la mer. Je peux dire « nous avons » car la plupart des nôtres y sont déjà. L’été dernier, c’était le tour de ce cher vieil Edmond. Il avait bien choisi sa dernière demeure, tout en haut. Le point de vue, malgré quelques accrocs récents, y est encore assez agréable. Après la cérémonie je m’y étais attardé, aussi croyais-je être resté seul à descendre vers la sortie peu fréquentée qui donne sur la route du littoral. Au moment de pousser la grille de clôture, jetant un regard en arrière, je vis venir vers moi, par un escalier resserré entre les monuments funéraires, une femme très corpulente, à l’élégance trop marquée pour la circonstance comme pour son âge. Comme emportée par la brise qui soufflait dans les bouillonnés de l’ample robe de soie grège et l’étole d’organdi parme, cette rondeur prit en descendant les marches un ballant qui me suggéra l’image d’une montgolfière d...

Les poètes

La lumière a un temps qui lui fut mesuré ; mais le royaume de la Nuit est hors le temps et l'espace. Novalis , Hymnes à la Nuit ... Tout ce qui ne peut être prouvé expérimentalement ou expliqué rationnellement a été banni de la connaissance, rejeté dans le domaine nocturne des fantasmes. Exclusion prodigieusement efficace qui a servi à transformer notre monde habitable, mais transformation qui a introduit entre le monde et nous la distance qui sépare le dominé du dominateur et nous tient isolés dans notre position dominante. Distance, séparation, béance où a germé cette illusion d'un néant absolu. On peut voir dans cette appréhension de la nuit comme image du néant une dénonciation du vide spirituel sur lequel débouche l'évolution technico-économique, une réaction tardive contre la triomphante idéologie du progrès. C'est pourtant à l'époque où naissait cette idéologie que penseurs et poètes attendaient de la nuit, de son mystère, de son infini, ce qui ne...