Quand on se soumet à une représentation, au point de la couper de toute perception réelle, on réalise une abstraction utopique. Quand on rêve d'habiter un non-lieu, une cité idéale où les âmes seraient parfaites, on éprouve un sentiment d'euphorie et de toute-puissance béate. Cette idéalisation est différente du refuge dans la rêverie où l'on souffre moins quand on fuit un réel insupportable. Je me réfugiais dans la rêverie quand, enfant, je fuyais la société persécutrice pour m'isoler dans un souterrain lumineux, affectueusement protégé par mes amis animaux.
Au contraire, un utopiste imagine : "Ce serait merveilleux de vivre ensemble dans une cité pure et juste d'où le mal serait éradiqué. Nos relations seraient angéliques. Nous serions transparents puisque, tous pareils, sans différences, sans étrangers, nous n'aurions rien à cacher, nous penserions comme une seule âme." En Utopie, toute manifestation intime est un acte de désolidarisation. Celui qui fait secret est un briseur de rêve, ou même un criminel, car il cache certainement une transgression. Il n'est pas des nôtres, il nous détruit. À mort l'étranger, le Nègre, le Juif, le fou, le sidaïque, l'autre, le différent qui ne pense pas comme nous ! Puisque nous pensons le Bien, la société parfaite, l'égalité des âmes et la pureté, les autres différents nous souillent et détruisent notre utopie en ne récitant pas nos prières et nos slogans.
Boris Cyrulnik, Sauve-toi, la vie t'appelle, Odile Jacob, 2012
Au contraire, un utopiste imagine : "Ce serait merveilleux de vivre ensemble dans une cité pure et juste d'où le mal serait éradiqué. Nos relations seraient angéliques. Nous serions transparents puisque, tous pareils, sans différences, sans étrangers, nous n'aurions rien à cacher, nous penserions comme une seule âme." En Utopie, toute manifestation intime est un acte de désolidarisation. Celui qui fait secret est un briseur de rêve, ou même un criminel, car il cache certainement une transgression. Il n'est pas des nôtres, il nous détruit. À mort l'étranger, le Nègre, le Juif, le fou, le sidaïque, l'autre, le différent qui ne pense pas comme nous ! Puisque nous pensons le Bien, la société parfaite, l'égalité des âmes et la pureté, les autres différents nous souillent et détruisent notre utopie en ne récitant pas nos prières et nos slogans.
Boris Cyrulnik, Sauve-toi, la vie t'appelle, Odile Jacob, 2012
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