Les prisonniers africains sont conduits dans un coin à l'ombre. Ils reçoivent des biscuits et un verre de vin. Et ils restent là, engourdis de fatigue. Dabondi se détache à nouveau du groupe et vient s'asseoir à mes côtés. Elle a gardé un reste de boisson au fond de son verre. Elle en laisse tomber quelques gouttes sur le sable chaud. Elle apaise la soif des défunts depuis que le monde est né.
— Tu sais comment j'ai appris à parler avec les fleuves ?
C'était à l'adolescence, dit-elle. Cela s'est passé avant que le roi ne me prenne pour épouse. Tous les matins, elle observait une araignée entrer et sortir d'un trou dans la cour de sa maison. Entre ses pattes, l'animal transportait de la rosée au tréfonds de la terre. Elle travaillait comme un mineur à rebours : elle puisait dans le ciel pour accumuler dans le sous-sol. Cette occupation durait depuis si longtemps qu'au fond de son terrier était né un grand lac souterrain.
La reine voulut aider l'animal dans ses excavations humides. Un jour, par une aube sans rosée, elle apporta une coupelle d'eau qu'elle laissa à l'entrée du terrier. Mais l'araignée refusa cette gentillesse, souriant : Ce que je fais n'est pas un travail, ce n'est qu'une conversation. Et elle ajouta : Je vois combien tu souffres, il faut beaucoup de solitude pour remarquer les créatures aussi petites que moi. En signe de gratitude, l'animal lui apprit la langue de l'eau.
— Maintenant, je parle avec les fleuves, petits et grands, conclut Dabondi. J'appelle chacun par leur nom que moi seule connais.
Mia Couto, Le Buveur d'Horizons (Les sables de l'empereur, Livre 3 de l'édition Métailié, 2020)
Pierre Boncompain, Cantique 4
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