Accéder au contenu principal

Articles

Le pouls de la Terre

 Ernst Zürcher marche. C'est peut-être  même l'objet de ce petit livre. Son cheminement se fait à égale distance de la science et de la poésie. A peine métaphorique, son langage (dans l'extrait ci-dessous) s'emploie à montrer la pulsation des forces de vie dans le végétal. Ses observations font intervenir des notions comme l'attraction gravitationnelle ou la résonance électromagnétique. D'autres fois le texte se fait plus poétique et le point de vue peut apparaître plus anthropocentré. Mais l'auteur semble attentif à maintenir le cap de l'observation et le langage de la rationalité.   L'une des caractéristiques du monde organique réside dans l'aspect rythmique de nombreux processus de croissance et des structures qui en résultent. Cet aspect se révèle d'abord par une alternance d'activité intense et de repos apparent. Dans le cas des arbres, nous observons de tels rythmes en relation avec le cycle des saisons, dans la succession des stade...
Articles récents

Attachements (2)

  Les premiers mots du livre : On a longtemps défini les humains par les liens les unissant les uns aux autres : nous sommes les seuls à communiquer par le langage, nous seuls avons des conventions sociales et des lois pour organiser nos interactions. Or les humains se distinguent aussi par les relations très singulières qu'ils établissent au-delà d'eux-mêmes, avec les animaux, l'environnement, le cosmos. Aucune espèce n'entretient de liens si denses avec tant d'autres êtres vivants et aucune n'a un tel impact sur leur destin. Sur tous les continents, chasseurs-cueilleurs, horticulteurs ou pasteurs nomades interagissent de mille manières avec une multitude de plantes et d'animaux pour se nourrir, se vêtir, se chauffer et s'abriter. Partout, les groupes humains s'attachent effectivement à des animaux qu'ils apprivoisent, qu'ils intègrent dans leur espace quotidien et avec lesquels ils partagent habitat, socialité et émotions. Ainsi, aucune soc...

Attachements (1)

  Je traînais le nez sur mon assiette, je n'avais pas très bon appétit. Mais il fallait manger ! maman me stimulait souvent... c'était les années d'après-guerre... "Mange, tu sais pas qui te mangera !" disait-elle. Cette expression me faisait dresser l'oreille, m'amusait, m'inquiétait, m'étonnait surtout venant de la bouche de ma mère, une femme polie et délicate. Peut-être cela me donnait-il un petit élan conquérant, je crois, pour entrer dans le jeu un instant, le temps d'une bouchée. Cette étrangeté de l'expression m'est toujours restée, même après avoir vécu, compris ou imaginé les détours de la question à la faveur des contes — d'ogres et d'ogresses —, en avoir moi-même écrits, interprétés, avoir fouillé parmi la littérature, les mythologies, l'anthropologie, pour bien me baigner dans ce mystère réjouissant, dans cette mer lourde et profonde, fraîche de vie où se renouvelle chaque jour mon plaisir et mon étonnement. J...
  J'oublie Gaza la Tchétchénie Guantanamo. J'oublie les écoles incendiées et les enfants brûlés vifs les parents aux yeux éteints - d'où toute lumière a soudain disparu. J'oublie les enfants bourrés de résidus chimiques ceux qui à chaque instant frappent à la frontière d'une vie inconnue. Mais personne ne leur ouvre. J'oublie le fanatisme des matchs de football l'éternelle bousculade les braillements des spectateurs qui veulent leur mamelle. J'oublie ceux qui luttent pour davantage de vacances davantage de temps sans les autres. J'oublie qu'une cuite est déjà un petit séjour à la clinique de désintoxication (aussi nommée la Cale sèche). J'oublie les milliers d'antennes de télé plantées partout espèce d'extincteurs qui crachent des images de rêve jusqu'à ce que les rêves explosent dans toutes les têtes. J'ai déjà mentionné les politiciens mais j'oubliais de dire qu'ils font partie de la bêtise du cynisme de l'étroit...

Pensez-vous penser ?

  A la sortie de la seconde guerre mondiale, Adorno, en observateur perçant de la société capitaliste technicisée qui se développe à grande vitesse, me semble souvent avoir vu ce qu'allait devenir notre monde de 2025. Il nous pose une quantité de bonnes questions. Ici, dirai-je, dans cet aphorisme titré non sans humour "Q.I.", la question suivante : Pensez-vous penser ? Les comportements adaptés au stade le plus avancé du développement technique ne se limitent pas aux secteurs où ils sont effectivement requis. C'est ainsi que la pensée ne se soumet pas seulement au contrôle social là où il est imposé professionnellement, mais adapte l'ensemble de sa complexion à ce contrôle. Du fait que la pensée se pervertit en résolvant les tâches qui lui sont assignées, elle traite même ce qui ne lui a pas été assigné suivant le schéma de ces tâches. La pensée qui a perdu son autonomie ne se risque plus à saisir le réel pour lui-même et en toute liberté. Pleine d'illusions ...

Petit Jean

  L'intellectuel, surtout celui qu'attire la philosophie, est coupé de la vie pratique : la répulsion qu'elle lui inspire l'a incité à se consacrer à ce qu'on appelle les choses de l'esprit. Mais la vie pratique ne conditionne pas seulement sa propre existence, elle est le fondement du monde que son travail consiste à critiquer. S'il ne sait rien de la base, il table sur du vide. Il se trouve contraint de choisir entre s'informer ou tourner le dos à ce qu'il déteste. S'il s'informe, il se fait violence, pense à l'encontre de ses impulsions et risque, de plus, de tomber aussi bas que ce dont il s'occupe, car l'économie n'est pas une plaisanterie et si l'on veut la comprendre il faut "penser en économiste". S'il évite d'avoir affaire à elle, il hypostasie son esprit pourtant formé au contact de la réalité économique et à celui de la relation abstraite de l'échange, il en fait un absolu alors qu'il n...

Entrez sans frapper !

   La technicisation a rendu précis et frustes les gestes que nous faisons, et du même coup aussi les hommes. Elle retire aux gestes toute hésitation, toute circonspection et tout raffinement. Elle les plie aux exigences intransigeantes, et pour ainsi dire privées d'histoire, qui sont celles des choses. C'est ainsi qu'on a désappris à fermer une porte doucement et sans bruit, tout en la fermant bien. Celles des voitures et des frigidaires, il faut les claquer ; d'autres ont tendance à se refermer toutes seules, automatiquement, invitant ainsi celui qui vient d'entrer au sans-gêne, le dispensant de regarder derrière lui et de respecter l'intérieur qui l'accueille. On ne rend pas justice à l'homme moderne si l'on n'est pas conscient de tout ce que ne cessent de lui infliger, jusque dans ses innervations les plus profondes, les choses qui l'entourent. Qu'est-ce que cela signifie pour le sujet, le fait qu'il n'y ait plus de fenêtres à...