La nuit, ils parlent du complexe avec une désarmante simplicité.
Ils parlent et même souvent sans parler, ils agissent, ils s'entendent, ils jouent à quatre mains et tout est l'instrument.
Peut-être parce qu'ils sont issus pour l'un de rêve, et l'autre d'écriture, ils sont de la même pâte imaginaire. La pâte des chairs mêlées. Les chairs imaginantes.
Chaque jour André – Andres – arpente les rues. Martin le devine de sa fenêtre, l'observe les yeux fermés, le voit reprendre place dans le fourmillement du livre. Martin met le livre dans sa poche et André dedans. Il part, croise des André en liberté, des Andres, des mélodies, des arpèges s'égrenant ou sautillant, silhouettes vivantes, écorces elles-mêmes d'une autre vie – ou de multiples vies internes. Martin voit tout cela, et Andres aussi, dans leur échange de regard, d'un mot, de quelques mots parfois. Il leur arrive de convoquer quelque chose dans un bout de conversation : le temps, les événements de la rue, ou du stade.
Ce qui préoccupe André, Martin ne le sait pas, sinon pour une toute petite part, qui apparaît dans le livre.
Martin entre aussi par petites bribes dans un livre, il s'y laisse glisser. Il glisse comme une pâte d'argile, parfois presque une eau, des doigts qui l'écrivent. Il est de graphite, gris comme le sable d'une rivière où jouait un enfant – un gris indélébile dans la mémoire, dans le toucher, dans le goût – un gris de schistes. Ardoises, ce mot n'est pas rien. Celui du soleil, du vagabondage, celui de l'écriture. Le goût d'une amertume, dure, un goût durable – un goût solide.
Andres le photographie alors qu'il est en train de lire. Sur un banc, les yeux devant lui, où semble défiler la rivière.
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