Ernst Zürcher marche. C'est peut-être même l'objet de ce petit livre. Son cheminement se fait à égale distance de la science et de la poésie. A peine métaphorique, son langage (dans l'extrait ci-dessous) s'emploie à montrer la pulsation des forces de vie dans le végétal. Ses observations font intervenir des notions comme l'attraction gravitationnelle ou la résonance électromagnétique. D'autres fois le texte se fait plus poétique et le point de vue peut apparaître plus anthropocentré. Mais l'auteur semble attentif à maintenir le cap de l'observation et le langage de la rationalité.
L'une des caractéristiques du monde organique réside dans l'aspect rythmique de nombreux processus de croissance et des structures qui en résultent. Cet aspect se révèle d'abord par une alternance d'activité intense et de repos apparent. Dans le cas des arbres, nous observons de tels rythmes en relation avec le cycle des saisons, dans la succession des stades phénologiques avec l'éclosion des bourgeons, le déploiement des tiges et des feuilles, la floraison, la fructification, la dissémination des graines, la chute des feuilles et le repos végétatif hivernal. Chaque printemps, c'est comme si les forces de vie, jusque-là en attente dans le sol forestier, répondaient à l'appel du soleil renaissant. Une balade journalière dans un coin de forêt naturelle nous révèlera, en peu de jours seulement, ce reverdissement qui a lieu d'abord au niveau du sol, pour gagner ensuite les buissons du sous-bois, les arbres de taille moyenne et finalement ceux de la canopée. Au-delà de cette tendance générale, les essences montrent aussi des phénologies spécifiques. Le noyer (Juglans regia) par exemple, qui nous vient de régions plus clémentes et craignant les gelées tardives, est le dernier à déballer ses valises, et le premier à les refaire quand l'hiver approche.
A l'automne, c'est le mouvement inverse que nous observons. Avant de laisser choir les feuilles, la tige en récupère certains éléments précieux, ce qui contribue au changement de couleur. La mise en réserve de glucides (issus de la photosynthèse) dans les tissus ligneux est alors terminée, avec une concentration maximale au niveau des systèmes racinaires. Ces substances permettront de résister au froid, puis seront mobilisées pour la croissance végétative suivante, grâce à la poussée de sève venant des racines. Dès que les nouvelles feuilles seront déployées, l'évapotranspiration prendra le dessus. Un brusque changement de régime aura alors lieu et la montée de l'eau dans la couronne se fera par aspiration, grâce aux forces solaires activant la photosynthèse.
Ernst Zürcher, Le pouls de la Terre, 2023 Les éditions de la Salamandre
Photo personnelle, r.t
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