« Une voile gigantesque passa dressée jusqu’aux étoiles, tendue en travers d’une coque en bois massif qu’elle entraînait vigoureusement, penchée sous une forte gîte ; la poupe était enfumée ; dans une hutte de palmes séchées, éclairée de l’intérieur par un feu de camp, une famille partageait le repas du soir. Avec sa crèche illuminée et ses odeurs dorées de volaille, le boutre filait vers la rade.
Un coup de corne puissant me tourna du côté de la mer. Des feux de navigation signalaient l’entrée d’un cargo dans la passe. Entre le vert et le rouge, sa haute carrure, sa largeur semblaient occuper tout l’espace du chenal. Tout ce qu’il y avait sur l’eau de petites embarcations resserra sa route sur les berges. Le monstre arrivait à vitesse réduite, et presque silencieux, mais on entendait le sifflement de l’air déplacé, le froissement métallique de l’eau sous l’étrave et très vite, la tête en arrière, nous regardions avec crainte et fascination l’énorme surplomb d’acier qui nous croisait. Du haut du rempart, quelques visages de marins philippins se penchaient par-dessus bord. La barque fut secouée dans le sillage du navire, butant d’une onde sur l’autre et perdant son allure.
Plus tard, à de légers soubresauts de l’embarcation, je sentis qu’on avait franchi la passe et qu’on était entré en mer. Je pouvais voir très haut sur l’Océan Indien, la tête un peu inclinée, la Croix du Sud arborant son talisman. On percevait du large les odeurs, les encens et les sonorités orientales de cette côte de l’Afrique.»
Un coup de corne puissant me tourna du côté de la mer. Des feux de navigation signalaient l’entrée d’un cargo dans la passe. Entre le vert et le rouge, sa haute carrure, sa largeur semblaient occuper tout l’espace du chenal. Tout ce qu’il y avait sur l’eau de petites embarcations resserra sa route sur les berges. Le monstre arrivait à vitesse réduite, et presque silencieux, mais on entendait le sifflement de l’air déplacé, le froissement métallique de l’eau sous l’étrave et très vite, la tête en arrière, nous regardions avec crainte et fascination l’énorme surplomb d’acier qui nous croisait. Du haut du rempart, quelques visages de marins philippins se penchaient par-dessus bord. La barque fut secouée dans le sillage du navire, butant d’une onde sur l’autre et perdant son allure.
Plus tard, à de légers soubresauts de l’embarcation, je sentis qu’on avait franchi la passe et qu’on était entré en mer. Je pouvais voir très haut sur l’Océan Indien, la tête un peu inclinée, la Croix du Sud arborant son talisman. On percevait du large les odeurs, les encens et les sonorités orientales de cette côte de l’Afrique.»
Ces quelques lignes sont extraites de La Stella maris de Hervé Bienfait. Récit du ciel et de la mer.
Récit poignant où le narrateur revit une tragédie, mais exaltant par l'extraordinaire virtuosité de l'univers marin, l'engagement inouï des hommes dans la nature sauvage, et leur tendresse fraternelle.
La Stella maris : in Nouvelles terrestres
https://gaspardnocturne.blogspot.com/2020/02/nouvelles-terrestres.html
et butin https://gaspardnocturne.blogspot.com/2023/11/la-collection-butin.html
En exergue une œuvre de Abigail Stern
Commentaires
Enregistrer un commentaire