Le feu ronfle dans la cheminée pendant que dehors souffle le vent par courtes rafales – soirées d'hiver – souvenirs oubliés – gestes esquissés – débuts de phrases – mots suspendus.
Il est des amours mortes et des fleurs fanées, des mondes inconnus et des astres éteints – il est aussi des rivages inexpugnables bordés de rochers creux et de vastes éboulis – des cieux d'encre – des murs effondrés.
De loin en loin sonne le tocsin.
Il n'est point de refuge – ni d'encorbellement où le pauvre pèlerin trouvera un abri – il est si long le chemin qui mène jusqu'au rivage de l'île de Lesbos aux vergers odorants, à la senteur de myrte et de rhododendrons – point d'écho ni de bruits répondant à mes plaintes – seul le silence – et les vagues viennent battre les rivages de mon âme torturée – et puis un peu plus loin, à l'écart, à l'ombre d'un cytise paît un chevreau roux.
Temps suspendu – rêve inaccompli – troublé par le murmure d'un ruisseau empli de larmes et d'eau fraîche.
Instants multiples et décousus, veine inénarrable, images intermittentes qui flottent autour de moi comme des rubans de prières.
Je hais les mots et leur funèbre cortège à la poursuite échevelée d'un fou discrétionnaire. Et puis un jour viendra où se taira l'ami rencontré par le plus grand hasard sur la rive d'un lac peuplé de carpes multicolores.
texte de Michel Ollier
peinture de Pierre Soulages - brou de noix sur papier, 1946
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