Il ne lisait rien, même pas un journal, regardait d'un oeil froid, parfaitement indifférent, lorsque l'une des vieilles femmes lui tendait celui du jour, les titres annonçant des bombardements, des batailles d'avions ou des torpillages de navires, parcourait les nouvelles des villages de la région, la chronique sportive, le tout en pas beaucoup plus de cinq minutes, repliait le journal et le posait sur la table. Un jour il acheta cependant un carton à dessin, du papier, deux pinces et, au cours de ses promenades, il s'asseyait quelque part et entreprenait de dessiner, copier avec le plus d'exactitude possible, les feuilles d'un rameau, un roseau, une touffe d'herbe, des cailloux, ne négligeant aucun détail, aucune nervure, aucune dentelure, aucune strie, aucune cassure. Les feuilles encore accrochées aux sarments des vignes étaient d'une intense couleur pourpre, parfois roses, parfois vertes encore, du moins le long des nervures. Une pourriture jaune ou brune en attaquait les bords ou parfois l'intérieur, y creusant des trous. Il dessina aussi les feuilles en forme d'étoiles des platanes aux troncs blancs et ocellés. Tombées à terre et brunies elles aussi, elles prenaient une consistance de carton, emportées par centaines sur le sol par les rafales de vent, affolées, sautillant d'une pointe sur l'autre, allant s'amasser contre quelque murette ou quelque fossé. Peu à peu il ne resta plus de vert dans la campagne que les haies de cyprès et les lauriers aux feuilles sombres dont les bords ondulaient comme des flammes. Un jour de grand vent, il prit le vieux tramway jusqu'à la plage [...]
Ernst Zürcher marche. C'est peut-être même l'objet de ce petit livre. Son cheminement se fait à égale distance de la science et de la poésie. A peine métaphorique, son langage (dans l'extrait ci-dessous) s'emploie à montrer la pulsation des forces de vie dans le végétal. Ses observations font intervenir des notions comme l'attraction gravitationnelle ou la résonance électromagnétique. D'autres fois le texte se fait plus poétique et le point de vue peut apparaître plus anthropocentré. Mais l'auteur semble attentif à maintenir le cap de l'observation et le langage de la rationalité. L'une des caractéristiques du monde organique réside dans l'aspect rythmique de nombreux processus de croissance et des structures qui en résultent. Cet aspect se révèle d'abord par une alternance d'activité intense et de repos apparent. Dans le cas des arbres, nous observons de tels rythmes en relation avec le cycle des saisons, dans la succession des stade...
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