La pluie est une compagne en Loire-Inférieure, la moitié fidèle d'une vie. La région y gagne d'avoir un style particulier car, pour le reste, elle est plutôt passe-partout. Les nuages chargés des vapeurs de l'Océan s'engouffrent à hauteur de Saint-Nazaire dans l'estuaire de la Loire, remontent le fleuve et, dans une noria incessante, déversent sur le pays nantais leur trop plein d'humidité. Dans l'ensemble, des quantités qui n'ont rien de considérable si l'on se réfère à la mousson, mais savamment distillés sur toute l'année, si bien que pour les gens de passage qui ne profitent pas toujours d'une éclaircie la réputation du pays est vite établie : nuages et pluie. Difficile de les détromper, même si l'on proteste de la douceur légendaire du climat – à preuve les mimosas en pleine terre et ça et là, dans les jardins de notaire, quelques palmiers déplumés – car les mesures sont là : heures d'ensoleillement, pluviosité, bilan annuel. Le temps est humide, c'est un fait, mais l'habitude est telle qu'on finit par n'y plus prêter attention. On jure de bonne foi sous une bruine tenace que ce n'est pas la pluie.
Jean Rouaud, Les champs d'honneur, 1990
Thami Benkirane, Pluviomyopie, Fès, décembre 2014
J'apprécie notablement la formule lapidaire: "ça et là, dans les jardins de notaire, quelques palmiers déplumés". A l'image des immigrés délocalisés....Bonne fin de soirée chal-heureuse!
RépondreSupprimerEn effet, quelle belle image notable, qui peut en dire très long, comme tes photographie souvent !
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