Chez un bouquiniste, il acheta les quinze ou vingt tomes de La Comédie humaine reliés d'un maroquain brun-rouge qu'il lut patiemment, sans plaisir, l'un après l'autre, sans en omettre un seul, en écoutant le vent frotter les toits avec bruit, faire battre quelque part un volet. En dehors de rares parents, il ne connaissait dans la ville qu'un vieux peintre perpétuellement ivre qui répétait sans fin les mêmes vergers de pêchers en fleurs et chez lequel il rencontra quelques gens échoués là comme lui. Peu à peu il changeait. Il recommença à lire les journaux, regardant les cartes qu'ils publiaient, les noms des villes, des côtes ou des déserts où continuaient à se livrer des batailles. Un soir il s'assit à sa table devant une feuille de papier blanc. C'était le printemps maintenant. La fenêtre de la chambre était ouverte sur la nuit tiède. L'une des branches du grand acacia qui poussait dans le jardin touchait presque le mur, et il pouvait voir les plus proches rameaux éclairés par la lampe, avec leurs feuilles semblables à des plumes palpitant faiblement sur le fond de ténèbres, les folioles ovales teintées d'un vert cru par la lumière électrique remuant par moments comme des aigrettes, comme animées soudain d'un mouvement propre, comme si l'arbre tout entier se réveillait, s'ébrouait, se secouait, après quoi tout s'apaisait et elles reprenaient leur immobilité.
Ernst Zürcher marche. C'est peut-être même l'objet de ce petit livre. Son cheminement se fait à égale distance de la science et de la poésie. A peine métaphorique, son langage (dans l'extrait ci-dessous) s'emploie à montrer la pulsation des forces de vie dans le végétal. Ses observations font intervenir des notions comme l'attraction gravitationnelle ou la résonance électromagnétique. D'autres fois le texte se fait plus poétique et le point de vue peut apparaître plus anthropocentré. Mais l'auteur semble attentif à maintenir le cap de l'observation et le langage de la rationalité. L'une des caractéristiques du monde organique réside dans l'aspect rythmique de nombreux processus de croissance et des structures qui en résultent. Cet aspect se révèle d'abord par une alternance d'activité intense et de repos apparent. Dans le cas des arbres, nous observons de tels rythmes en relation avec le cycle des saisons, dans la succession des stade...
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