Un troupeau passa devant eux. Si lent que les animaux avançaient dispersés, tel un corps distendu dans la plaine. Les brebis à laine grasse, ayant sacrifié leur esprit grégaire, marchaient museau baissé et les chèvres, tête fière mais paresseuse ; les chameaux broutaient des arbustes à la sauvette. Les bergers, bâtons posés au repos sur leurs épaules, respectaient cette lenteur. Les ânes, répugnant à la promiscuité, traînaient leurs sabots sur les bords. Un autre troupeau lui succéda, puis un troisième en sens inverse, toujours plus indolent. Les traversaient, en partance des faubourgs de la ville, des caravanes qui ne se formaient pas encore impeccables car les hommes, emmitouflés, continuaient à bavarder par petits groupes, comme s'ils retardaient l'instant de regarder l'immensité devant eux, tandis que, de leurs démarches souples, après avoir lâché les longes, les femmes ajustaient les attaches des calebasses sur les flancs des chameaux, qui tanguaient d'avant en arrière, déjà dans le rythme, le cou haut et droit comme toujours en début de trajet, afin de regagner les oasis dans la nuit.
Jean Hatzfeld, Où en est la nuit
Thami Benkirane, Ergonomie de l'erg
Jean Hatzfeld, Où en est la nuit
Thami Benkirane, Ergonomie de l'erg
Commentaires
Enregistrer un commentaire