Dans "La condition tropicale", Francis Hallé cite un discours tout à fait hors normes prononcé par Jacques Chirac devant des journalistes.
« Insondable, le racisme ambiant ; abyssal, le mépris dans lequel les habitants des régions riches tiennent ceux qui vivent entre les tropiques ; vertigineux, le sentiment de supériorité des premiers sur les seconds. En voici quelques preuves supplémentaires. Le nom de Jacques Chirac ne restera certes pas dans l’histoire comme celui d’un homme d’État ayant mis tout son poids dans la balance en faveur des pays démunis ; au moins eut-il le mérite de mesurer l’ampleur de notre mépris collectif de l’Afrique ; à Yaoundé, en 2001, devant quelques journalistes qui n’en croyaient pas leurs oreilles, il eut cet éclair de lucidité : « Nous avons commencé par saigner ce continent pendant quatre siècles et demi avec la traite des Noirs ; ensuite nous avons pillé ses matières premières. Après avoir dépossédé les Africains de leurs richesses, nous leur avons envoyé nos élites, qui ont évacué la totalité de leurs cultures. Aujourd’hui, comme il faut faire les choses avec plus d’élégance, nous les délestons de leurs cerveaux grâce aux bourses d’études, qui constituent en définitive une autre forme d’exploitation car les étudiants les plus brillants ne rentrent pas chez eux. Au bout du compte, nous constatons que la malheureuse Afrique n’est pas dans un état brillant et, comme nous nous sommes enrichis à ses dépens, nous lui donnons des leçons à titre de prime. »
(Discours off à Yaoundé, Cameroun, Le Monde, 16 mai 2001)
Francis Hallé « La condition tropicale » Actes Sud, 2010
Jérome Bosch, détail du Jardin des délices.
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