à Marguerite Fadhma Aïth Mansour, ma mère, dernier maillon d'une chaîne d'aèdes.
Pour toi, qui m'es toujours apparue comme un arbre fruitier visité par
une multitude d'oiseaux chanteurs, ces légendes et ces chants, filtrés
par les siècles, qui sont arrivés de bouche en bouche jusqu'à toi, et
que tu m'as légués pour que je les fixe en cette langue française,
presque aussi chère et familière que notre langue maternelle ; ces
proverbes qui intervenaient comme des images pour illustrer tes récits,
et ces chants que ta voix m'a appris patiemment à chanter sur ces
monodies vénérables, qui se meurent aujourd'hui au pays-même où elles
sont nées.
Et, à travers toi, à notre petite Laurence qui te ressemble, qui me
relaiera un jour, je l'espère, comme je te relaie, et que tu appelais en
berbère, quand elle était enfant : "Petit monceau de fleurs" ou encore :
"Petite écuelle", à cause de son doux visage aux proportions si justes.
Avec l'espoir que notre effort n'ait pas été vain, que l'élève n'ait
pas été trop indigne du maître, et que soit entendue enfin cette parole
que tu ne cesses de psalmodier en pensant à moi, cette parole que les
vieilles femmes de chez nous ont lancée vers le ciel, à ton intention,
comme une graine de bonheur :
"Va, ma fille, Dieu fasse que ton soleil perce les nuages."
Taos Amrouche, Le grain magique, 1966, François Maspero. (Dédicace du livre)
Photo Isabelle Baudelet, 25 décembre 2018 route entre Saint Josse et M sur m.
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