Sa famille en deuil lui a donné un nom de reine : Alexandra. Et elle est en effet chargée de retrouver pour elle le pouvoir et l'éclat que cette famille a perdus. Elle a été investie d'une mission impossible : prendre revanche sur l'Histoire, réussir dans le monde sans rien trahir des valeurs du passé, et faire revivre ces gens-là qui ne vivaient plus. Alexandra est une jeune femme tenue à jouer des rôles qui ne sont pas les siens. C'est une personne infiniment séduisante, mais d'une fragilité et d'une vulnérabilité extrêmes, et qui ne sait vivre que dans l'image que les autres lui renvoient d'elle. Bien sûr, elle attend d'être visitée, animée, aimée. Elle veut bien être exposée, sortir du négatif, de l'ombre, entrer dans la lumière où il lui est promis qu'on l'aimera. Or un homme arrive, [un peintre] justement honni de la famille... et il fait d'elle exactement ce que sa famille voulait qu'elle fût : un mannequin ! Selon les dictionnaires, un mannequin, c'est d'abord une figure articulée qui imite le corps humain ou le corps d'un animal et qui sert aux peintres et aux sculpteurs. C'est ensuite une armature de fer ou d'osier qu'utilisent les couturières pour la confection des vêtements et sur laquelle elles font les essayages. C'est également la forme qui sert à présenter les vêtements aux étalages. Le terme désigne enfin ce qui ressemble à un être humain mais demeure privé de vérité et de vie. C'est, dans tous les cas, une chose, et c'est le nom que couturiers et photographes ont utilisé pour désigner les hommes et les femmes qu'il manipulent, et qui ne sont en effet que des objets.
Photographie de Jean-Michel Lecat > Baie de Somme autrement
Extrait de "La maison des dames russes" de François Vigouroux
Photographie de Jean-Michel Lecat > Baie de Somme autrement
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