Dans ces séquences de vie surgissant d'un temps mal défini, il est souvent question d'enfants et de lumière intarissable. De volupté et de vin. De détresse et d'errance dans de longs corridors. Ces impressions me surprennent n'importe où. A cette table de travail, sur un trottoir, au volant de ma voiture, quand j'attends les enfants à la sortie de l'école. Parfums, lumières, murmures, je les ressuscite, soumise à ce papier, cette machine, cette chambre. Je ne me sens pas libre. J'aimerais rester adossée contre un mur où s'attarderait un peu de soleil. Mais je suis prisonnière des vieilles maisons, des forêts, de la nuit, des eaux dormantes, des nouveaux-nés au fond de leurs berceaux. D'eux surtout. Je perdrai mes yeux à trop regarder mon nouveau-né dormant dans son odeur légère d'étable et de lait. Bonheur et angoisse mêlés serrent ma gorge. Tout est normal. Il respire. Sous l'horloge le temps s'arrête dans mes bras de lierre. Moi aussi, je m'assoupis par instants à force de te contempler, la joue appuyée, marquée, forgée par le fer de ton berceau. Comble du bonheur. Joie nue. Loin. Si loin du désir.
Françoise Lefèvre, Le Petit Prince cannibale
Paul Cézanne, Guillaumin près de la route
Françoise Lefèvre, Le Petit Prince cannibale
Paul Cézanne, Guillaumin près de la route
Commentaires
Enregistrer un commentaire