« Par les rues du Mouillage, je me rappelle avoir vu les Zouaves en pantalon bouffant et rouge.
Bronzés comme des câpres, gais comme de vrais troupiers français, ils chantaient une chanson qui ne me revient plus. Du refrain pourtant, je me souviens — et pour cause — des derniers mots.
Voilà zou-zou ! Voilà zou-zou !
Voilà zou-â-â-â-ve ! ! !
gueulaient-ils à tue-tête, en lançant leurs chéchias dans l'espace... Toutes les fenêtres de la rue se garnissaient alors de minois joliets, curieux de connaître de vrais Zouaves !Voilà zou-â-â-â-ve ! ! !
Voilà zou-zou ! Voilà zou-zou !
Voilà zou-â-â-â-ve ! ! !
Voilà zou-â-â-â-ve ! ! !
Je les revois, ces Turcos, entraînant avec eux tout un cortège de gamins de toutes nuances — y compris Petit Moi !...
Ces gamins aspiraient à les voir de près, à les toucher, à les palper. Pensez-donc ! des soldats qui reviennent des champs de bataille ne peuvent ressembler à tous les autres.
Le négrillon Pierre, plus bandit que tous, se fourre entre les jambes d'un grand zouave sans nez. — Petit-Poucet aux pieds de l'Ogre. —
Et, campé sur ses jarrets, les poings aux hanches, il crie au géant, d'un ton canaille :
"Dis !... conte-moi ça ! T'as le nez en moins ! Ousqu'il a passé ton nez ?"
— Mon nez ! sacré diablotin ! ah ! oui, je ne l'ai plus. Parbleu, je l'ai laissé là-bas, sous ton gueux de soleil. Un yatagan mexicain me l'a tranché, comprends-tu ?... Tiens, tu me "bottes". Viens avec nous !... je te soignerai... je t'élèverai... en te narrant mes prouesses. Et qui sait ? plus tard, tu seras le Diable noir du régiment, comme jadis, ton congénaire, le grand nègre Dumas.
Ce disant, le zouave, d'un geste, enlève le gamin comme une plume, et le dépose à cheval sur son cou. »
...
[La suite de la scène est une cavalcade comique qui se termine lorsque la mère, chahutée cavalièrement par le zouave récupère son petit. On apprend que cette troupe revenait du Mexique où] « Napoléon le Petit avait conquis un trône à Maximilien d'Autriche », [et que] « depuis l'aurore, ils faisaient un pèlerinage au Bacchus martiniquais : le tafia ! Ils étaient peut-être à leur 10e station ! »
Virgile Savane, Saint-Pierre (1870-1902), Editions Caribéennes, 1986
Maurice Denis, portrait d'Aco en costume de zouave, 1920
Bonjour! Je suis l'arrière petite fille de Virgile Savane. Comme témoins de cette époque il ne reste que ma mère, sa petite fille, Paule Savane et mes grands tantes, Marie- Louise Audiberti, fille de Jacques Audiberti l'homme de lettres; Puis Jacqueline et Michelle. Elles ont toutes dépassé les 80 ans. Pendant qu'elle sont encore vivantes, j'avais le projet d'écrire un livre sur cette famille Savane, pour le moins intéressante et originale. Je suis en possession d'archives, montrant que, par mon arrière grand mère, Amélie Savane( qui a traduit " 1984" de George Orwell, nous descendons d'esclaves noirs. Au cas où vous voudriez me contacter: laurence-warot@orange.fr Bonne journée!
RépondreSupprimerMerci Laurence.
Supprimer