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Affichage des articles du mai, 2017

Hay

Hay The flowers in her hair wet in the morning are dry by ten Her apron clings stones like hands press in her pocket Tomorrow the scythes will gasp as her clothes fall down On this slope she'll lie hands on its shoulder feet on the road below Gathered in lines her cocks will crouch like couples in the moonlight Next day in the sun she'll walk on her hands to get as dry as fire Combed by the women lifted by men she'll ride the carts Front wheels locked with a pole throw their spokes I'll take her down And when I pack her second wife under my roof my sweat will blind me. John Berger John Berger, in  La louche et autres poèmes,  édition bilingue, traduction française de Carlos Laforêt © Maison de la poésie Rhône-Alpes – Le temps des cerises, 2012 voir  >  la traduction de ce poème Peinture de Raoul Dufy

Respiration

Tout respire. Tout se respire. Toute histoire de mélange, de créolité, de société, de système, d'écologie – tous ces mots à la mode – , tout ce qui constitue les relations, les guerres, le terrorisme, la mort, la naissance, les championnats de foot, les catastrophes, toute histoire d'amour, tout est dans tout, comme le disait Anaxagore (pan en panti) . Et pourquoi, si longtemps après, n'avons-nous pas encore compris ? Pourquoi toujours ne penser qu'à dissocier, qu'à extraire, isoler, exclure, éradiquer... ce que nous nourrissons... ce que nous sommes ? Voici deux brefs passages de "La vie des plantes,  une métaphysique du mélange"  d'Emanuele Coccia que je dédie spécialement à toutes celles et ceux (politiques) qui se proposent de décider pour tous : « Tout dans le monde produit du mélange et se produit dans le mélange. Tout entre et sort de partout : le monde est ouverture, liberté de circulation absolue, non pas côte à côte, mais à travers le

En plein air

Bela Bartók   (cliquer pour écouter ) Se peut-il qu'on ait une musique dans la peau, plus que toute autre, comme l'air qu'on respire, comme l'eau dont on est issu... J'ai souvent cette impression avec "en plein air", en particulier cette 4e partie lente et nocturne. Et quel ne fut pas mon bonheur de voir que ce passage du livre d'Emanuele Coccia, dont je fais mon butin aujourd'hui et qui parle du "bain", de "l'atmosphère" dans quoi nous sommes immergés, porte  justement  ce titre : en plein air . « La vie n'a jamais abandonné l'espace fluide. Lorsque dans un temps immémorial elle a quitté la mer, elle a trouvé et créé autour d'elle un fluide aux caractéristiques – consistance, composition, nature – différentes. Avec la colonisation du monde terrestre, hors du milieu marin, le monde sec s'est transformé en un immense corps fluide qui permet à la grande majorité des vivants de vivre dans un rapport d

Migrant words

In a pocket of earth I buried all the accents of my mother tongue there they lie like needles of pine assembled by ants one day the stumbling cry of another wanderer may set them alight then warm and comforted he will hear all night the truth as lullaby John Berger dessin Yves Berger (Maison de la poésir Rhône-Alpes / Le temps des cerises, 2012)

L'amour vagabond

 « Dans un passage du Cahier brun , Wittgenstein, pour illustrer sa thèse générale – qui affirme avec raison l'impossibilité de concevoir un contenu exprimé différant en quoi que ce soit du langage qui l'"exprime" et est ainsi tout à la fois expression exprimante et expression exprimée –, imagine l'exemple suivant : une esquisse de visage, plus embryonnaire encore que celle de Tintin. Cinq traits de crayon suffisent à la composer : un cercle entourant le tout, deux petits traits horizontaux pour figurer les yeux, un autre pour la bouche, enfin un trait vertical pour le nez. Naturellement toutes les variations sont possibles selon qu'on imagine une incurvation plus ou moins concave ou convexe des traits horizontaux qui figurent les yeux et la bouche, déterminant alors des visages d'allure très différente, triste, sérieuxe, souriante, etc. Commence à se préciser ainsi, ou sembler se préciser, à partir de l'ébauche primitive, une quantité d'expres

Lux et lumen

« L'hésitation du regard occidental devant l'image [...] est une constante qui survit à une inversion majeure de la vision au cours de la même période [9è et 10è siècles]. L'histoire commence avec al-Haytham (Alhazen, en latin, vers 965-1039), qui, comme les deux autres grands opticiens avant lui, Euclide et Ptolémée, était citoyen d'Alexandrie. D'après une légende, c'était un mathématicien si réputé que le sultan attendait de lui qu'il régulât le Nil. Ayant compris la vanité d'une telle entreprise, il s'éloigna de la cour et créa pour lui même un "instrument" lui permettant d'étudier l'éclipse de soleil qu'il avait prédite. Voici comment il procéda : il se servit d'un tombeau égyptien comme camera obscura . En perçant un minuscule trou, il produisit sur le mur du fond de la chambre noire une image du soleil qu'il pouvait regarder sans être aveuglé. Ce qui fait de lui un révolutionnaire, ce n'est pas l'usage

Libido videndi

Dans son chapitre Libido videndi , Ivan Illich en vient à présenter le travail de François Boespflug : « La conception antique du regard se révéla insuffisante pour relever un défi intellectuel de la fin de l'Antiquité byzantine, un événement contemporain des Mérovingiens en Occident. Le problème était celui de la différence entre l' emphasis et un artefact, à savoir l'icône. Les présocratiques avaient cultivé l'irrespect ( dis-regard ) envers les dieux afin de focaliser leur esprit sur le concept d'entités. Ainsi les sculptures n'étaient plus considérées comme des dieux, mais comme des symboles de l'invisible, des divinités ou des forces qu'elles représentaient. Les chrétiens initièrent une forme d'hésitation nouvelle face à l'image sculptée. Leur ambivalence procédait de leur foi. Jésus, la Parole de Dieu faite chair, avait été appelé dès les tout débuts l'Image du Père. Le fils de Marie, le charpentier de Nazareth, était à part égale D

Le temps du regard

Extrait d'une conférence qu'Ivan Illich consacre en 1995 à l'histoire du regard. Il fait allusion à une thèse de l’helléniste Gérard Simon : « Pour ce dernier, l'optique antique a pour objet un effluve de la pupille, un rayon qui trouve son origine dans l’œil, et ne traite au mieux que tangentiellement de la lumière, laquelle est elle-même conçue comme une émanation de l’œil céleste, un rayon venant du soleil, de la face d'Hélios. Tout le mérite d'Euclide est d'avoir donné une forme géométrique au regard humain, décrivant cet effluve comme une figure conique qui a son sommet dans la pupille et sa base sur l'objet que le regard embrasse. Tous les opticiens de l'Antiquité s'intéressent à ce qui se passe à la base du cône visuel, là où il s'attache à son objet. Ils conviennent que quelque chose, à la surface de l'objet, se mêle au rayon émis par l’œil. De quoi s'agit-il ? C'est la couleur. La couleur comme une qualité de l'o

Les ancolies

décidément il fait très chaud il faudra faire arroser à la fraîche, ce soir, puis mettre de la cendre au pied des salades pour empêcher les limaces décidément il faut se hâter vous vous levez, vous regagnez la sente pentue, vous allez grimper les huit terrasses de nouveau, la joie quand vos yeux tombent sur les corolles précieuses des ancolies bleu foncé c’est si simple qu’on pourrait croire que les hommes sont un songe un cauchemar que le lever du jour dissipe Il y a le bercement bleu, il y a la marée bleue montante des ancolies l’urbanité bleue, la petite clause bleue des ancolies ça serait tout à fait déplacé de désespérer et puis c’est un péché et puis vous n’êtes quand même pas le plus à plaindre là vous, retranché dans cet Eden miniature, quand d’autres s’étripent vous, à compter les pétales les étamines, à recenser les graines puis dans l’odeur boisée de votre bureau, à dessiner patiemment à l’abri de la canicule des heures durant le fléchissement

"Dropout", recalé

« La moitié des enfants qui entrent à l'école publique à Chicago échouent avant la fin du lycée. Dans le monde, les trois quarts des enfants inscrits à l'école primaire n'atteignent jamais le niveau que la loi de leur pays définit comme le minimum obligatoire. L'institution tenue pour sacrée crée et légitime un monde où la grande majorité des individus sont stigmatisés comme recalés tandis qu'une minorité seulement sortent de ces institutions avec en poche un diplôme qui certifie leur appartenance à une super-race qui a le droit de gouverner. La fonction insidieuse de la scolarisation est évidente, mais voici deux décennies maintenant qu'elle a été reconnue comme telle. Elle attire périodiquement l'attention, comme actuellement en Illinois. Mais on en discute systématiquement du point de vue des employés de la fourrière, qu'il s'agisse de la direction des établissements, des associations de parents d'élèves et d'enseignants ou des service