Accéder au contenu principal

La femme griffée


Il est autour de midi. En brousse, c’est l’heure où tout s’immobilise, bêtes et gens subissent l’implacable loi du soleil, sa lumière écrasante, ses morsures cuisantes. Plus aucun mouvement, comme si tout ce qui vit s’arrêtait, juste une palpitation, unique, celle de l’animal ou de l’homme qui cherche l’ombre.
Seuls les singes de M. Paul, inlassables, trouvent assez d’énergie pour leurs disputes bruyantes. M. Paul c’est ce vieux gangster repenti qui a ouvert depuis dix ans, sans autorisation, un camp de chasse en pleine brousse. Il aime l’Afrique, M. Paul, enfin… son Afrique ! Derrière le comptoir en bois d’agoné, Dialo, le serveur à tout faire, rince et essuie les verres, les yeux rougis de yamba. Sur une chaise, une blonde décolorée, opulente, boudinée dans un bustier bleu un peu fané, pose du vernis sur ses ongles en houspillant Dialo pour sa lenteur. Aujourd’hui, viennent du campement les amis de M. Paul, avec leurs compagnes. La grosse blonde impatiente, c’est Mado, la « femme » de M. Paul.
Dialo ceci, Dialo cela ! Dialo a l’habitude des Blancs. Il sait qu’il vaut mieux ne pas répondre aux agaceries de sa patronne, ce serait pure perte, le jour où Mme Mado a ses nerfs, on se tait.

Sous le toit de palmes de l’entrée, entre ombre et soleil, se découpe la grande et maigre silhouette en haillons, chapeau haoussa et, en dessous, des yeux de fièvre et une barbe blanche. La voix est bien timbrée de douce à la fois.
– Maïma n’dor ! (donne-moi de l’eau !) prononce doucement l’être en nage.
– Qu’est-ce qu’il veut encore celui-là, crie Mado en soufflant sur ses doigts vernis.
– Il veut seulement de l’eau, madame, marmonne Dialo en levant la tête, prêt à remplir un verre.
Plus rien ne bouge à l’extérieur. Même les singes de Monsieur se sont calmés. Il fait 46° et tout s’immobilise. Le voyageur reste près de la porte barrière, digne et patient. Mado commence alors une litanie : « Oui, c’est toujours pareil, de ci, de ça, de l’eau. Fous le camp ! Ici, on ne donne rien ! »
Le verre vide à la main, Dialo assiste impuissant à la scène de violence à laquelle se livre sa patronne.
L’homme crache au loin un grand jet de salive colorée par les noix de kola. Et Mado, piaffante, s’avance vers lui. Alors l’homme, toujours immobile, tend le bras droit et, à distance, fait un geste félin, doigts écartés, vers la gorge de Mado, qui se trouve pourtant à une dizaine de mètres. Puis, rajustant ses haillons et son sac déchiré, tourne les talons et s’en va lentement sous le soleil assassin. Au même instant, Mado porte les mains à son cou. « Saleté de bestiole, je ne sais pas ce qui m’a piquée, mais ça fait mal ! »
Dialo a changé de visage. Par en-dessous, il observe sa maîtresse sans rien dire. Il est là pour ranger les verres, alors il range et tourne le dos à Mado qui s’agite pour aller chercher de quoi désinfecter cette piqûre. Le silence de la brousse devient presque irréel. Pas un souffle d’air n’agite les filaos aux cheveux de fée couleur de poussière.

Monsieur Paul et Mado déjeunent face à face. Le regard bas, Dialo sert sans un mot. Mado porte un foulard autour du cou, et à la question de M. Paul, elle répond : « C’est rien, une sale bête, genre guêpe, mais j’en suis pas sûre. »
Après le repas, au moment de la sieste, Dialo part vers le campement où il a sa petite cabane, sa petite famille.

Vers dix-sept heures, les invités arrivent. Les hommes, excités en pensant à la chasse du matin, caressent du regard les armes posées contre le comptoir. Les femmes se retrouvent, hystériques, ce sont toutes d’anciennes galantes, à qui leurs souteneurs avaient promis le petit bar… « Un jour… tu seras patronne ! »
Mado a toujours son foulard autour de la gorge, de plus en plus douloureuse. Elle est tendue et, au fond de son regard, on sent de l’inquiétude. Le rire des hyènes, plus loin, là-bas, marque la fin d’une soirée amplement arrosée.
Dialo, sur le pas de sa petite case, se repose. Il est assis sur une vieille chaise branlante et il savoure la vibration de cet air devenu frais, rendant enfin chaque chose plus présente. C’est un moment magique d’Afrique, celui de la nuit qui bouge, qui traque, qui tue… Vers le marigot, se joue l’acte de vie et de survie. Les crapauds-buffles entament leurs si bizarres signaux, puissants et rauques. Ici, on attend souvent la pluie libératrice, mais ce soir, c’est plutôt la sensation d’une sécheresse électrique.

Si la nuit africaine est pleine de bruits feutrés, de branches d’épineux écrasées avec minutie, le matin est une des splendeurs de cette terre. A travers des mousselines indigo, le soleil rouge traverse le ciel en brassant la savane d’or jaune sur l’or de la latérite. C’est une complète hystérie d’oiseaux, d’animaux qui s’appellent et se répondent en mêlant leurs cris à la tonitruante cacophonie des pintades sauvages.

Cet hymne à la vie n’est pas partagé, ce matin, par Mado. Les yeux rouges et bouffis, elle examine son cou gonflé et palpe avec précaution les sillons tuméfiés qui barrent sa gorge jusqu’à la naissance des seins. Quatre grosses traces, sortes de larges griffes, y sont inscrites. Les hommes sont partis depuis longtemps, à l’aube, et Dialo sert le petit-déjeuner dans ce matin du monde qui s’éveille. Dialo, muet, a vu, oui il a vu ce qu’il redoutait : la marque de l’homme-léopard.
Autour de la table, les amies de Mado se perdent en avis contraires.
– Ça gonfle, c’est peut-être grave, tu devrais aller jusqu’à Singuinatti, au dispensaire.
– Tu devrais essayer de passer du… et puis du… et du…
Ça caquette, Mado hausse les épaules.
– J’en ai vu d’autres, dit-elle, bravache.
Mado a une machine à coudre. Les filles ont apporté de la ville du tissu, alors ce sera une journée couture et beauté, pendant que les hommes joueront à tuer par plaisir quelques belles gazelles aux yeux si doux ou quelque vieux phaco solitaire, histoire de ne pas perdre la main, en souvenir d’avant… à Marseille… ou Toulon…

Deux jours plus tard, les amis sont repartis. Mado souffre, sa gorge infectée a des reflets mauves ; son cou tuméfié est dissimulé sous un large foulard. Elle a pris la décision d’aller ce matin à l’hôpital de la ville. Oui, rien ne va plus, elle ne peut avaler et, tout à coup, cette souffrance la rend humble.
A l’hôpital, la perplexité se lit sur les visages des médecins. Etrange plaie, ça ne peut pas être un moustique, c’est forcément autre chose, mais quoi ?
Pommades, cachets etc. Mado rentre au campement. Monsieur Paul prend soudain conscience de la gravité de sa blessure et décide d’envoyer sa compagne en France, à Lyon, au centre des grands brûlés, c’est vrai que toutes ces marques infectées semblent avoir été faites par des griffes brûlantes. Mado soupire, elle est d’accord, elle en a assez : déjà douze jours qu’elle supporte ces souffrances.

Le grand jour est là. La femme blessée, le cou emmitouflé, prend l’avion pour l’Europe. A lyon, la confusion sur un diagnostic possible règne et tous les spécialistes se grattent la tête. Ils n’ont jamais eu de cas semblable !
Bien sûr, ils ont calmé la douleur, réparé les tissus abîmés, mais rien ne peut effacer les traces, ces sillons profonds qui marqueront à jamais le cou et la poitrine de Mado.

Quand elle est de retour là-bas, elle a changé. Ses cheveux décolorés se mêlent à des racines blanches et sombres, il émane d’elle un air d’abandon total. Elle a pris un sacré coup de vieux, Mado, et tous les soirs, elle cherche un réconfort dans l’alcool. Ces griffures sont inexplicablement affreuses à voir. Dans sa chambre, elle contemple tous les chemisiers à col montant achetés en France, et malgré la chaleur, n’envisage plus que cette façon de se vêtir.

Le soir, les chasseurs ne comprennent pas pourquoi elle se promène maintenant avec des tenues aussi chaudes. Elle boit, comme elle ne l’a jamais fait, cognac à l’eau sur cognac à l’eau, et finit, après minuit, effondrée contre le bar, le visage collé au zinc, perdue dans la nuit qui la recouvre pour toujours. Les amis de M. Paul s’inquiètent, l’interrogent :
– Mado, qu’est-ce qui t’arrive ? On ne te reconnaît plus ! Quelque chose qui ne va pas ? C’est Paul ?
Généralement, c’est un long borborygme qui leur répond, une suite de mots inarticulés, retenus. Puis, quand les questions se font trop insistantes, elle se redresse d’un coup, les yeux exorbités ; ses doigts tremblants cherchent fébrilement les boutons et dégrafent le haut du chemisier qu’elle ouvre violemment, hors d’elle, en hurlant : « Voilà ce que j’ai ! Voilà ce qu’on m’a fait ! Laissez-moi, laissez-moi ! » Et elle sombre de nouveau dans son néant, s’écroule encore, son front cognant le zinc, ses épaules secouées par les sanglots. « Laissez-moi ! », une dernière fois.

Dialo est là, discrètement en retrait, il regarde la nouvelle Mado qui s’informe désormais de sa santé et de sa petite famille, qu’elle ne regardait que de très loin, il y a… il n’y a pas si longtemps… juste avant ce jour où elle a refusé l’eau que lui demandait ce vieillard. Désormais, il le sait, le compte à rebours est en marche. « Ici, on ne refuse pas l’eau à celui qui a soif », se dit-il en lui-même, comme s’il découvrait soudain cette règle universelle que Mado, elle, a voulu ignorer.

Michèle Laurier Césaire, extrait de Singala ou l'homme qui sait guérir, Gaspard Nocturne 2009
Peinture de Franco Gentilini

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La vie et demie

     Le jour de l'arrestation de Layisho, Martial et Chaïdana Layisho étaient allés pêcher sur le fleuve. Ils avaient fait une excellente pêche. Mais au moment où ils amarraient la pirogue pour rentrer à Yourma, ils virent un triste vieillard à la gorge et au front blessés, qui n'eut pas trop de mal à les convaincre de se laisser dériver par les eaux jusqu'à la forêt des Léopards, puisque Layisho avait été appréhendé et qu'on cherchait ses deux enfants. Martial et Chaïdana Layisho avaient dix-neuf ans. Le vieillard aux plaies leur avait procuré deux sacs d'identités, l'un en cuir rose, l'autre en cuir blanc. Il leur avait donné un grand panier de provisions, de quoi manger pendant deux semaines. Ils se laissèrent dériver pendant huit jours et huit nuits avant de quitter la pirogue et de se lancer dans une périlleuse guerre contre le vert. Là le monde était encore vierge, et face à l'homme, la virginité de la nature restera la même impitoyable source de q

Les ancolies

décidément il fait très chaud il faudra faire arroser à la fraîche, ce soir, puis mettre de la cendre au pied des salades pour empêcher les limaces décidément il faut se hâter vous vous levez, vous regagnez la sente pentue, vous allez grimper les huit terrasses de nouveau, la joie quand vos yeux tombent sur les corolles précieuses des ancolies bleu foncé c’est si simple qu’on pourrait croire que les hommes sont un songe un cauchemar que le lever du jour dissipe Il y a le bercement bleu, il y a la marée bleue montante des ancolies l’urbanité bleue, la petite clause bleue des ancolies ça serait tout à fait déplacé de désespérer et puis c’est un péché et puis vous n’êtes quand même pas le plus à plaindre là vous, retranché dans cet Eden miniature, quand d’autres s’étripent vous, à compter les pétales les étamines, à recenser les graines puis dans l’odeur boisée de votre bureau, à dessiner patiemment à l’abri de la canicule des heures durant le fléchissement

Souvenir d'un veau

Cosmopolitisme et Hospitalité, voici deux mots que j'ai envie de faire chanter aujourd'hui. Ils ont l'air un peu ancien. Mais le temps est vaste. Et le présent est partout. D'abord la montagne, où se touchent ciel et terre, comme gambade en liberté. Un air de folie à cueillir comme une fleur de printemps à un pas du gouffre, présent partout aussi. Et un sourire irrésistible, celui d'un écrivain, un des plus graves et des plus cristallins que je connaisse, l'irremplaçable ami John Berger, pas ami personnel, ami universel, grand écrivain activiste et artiste, je lui vois ces trois dimensions indissociables. Né à Londres en 1926, il a vécu une grande partie de sa vie, jusqu'à son terme il y a quelques années, près des paysans qui lui ont fait place parmi eux dans un hameau de Haute-Savoie, tout en poursuivant son œuvre et ses relations dans le monde. Ces paysans, il les a souvent fait entrer dans ses livres : dans la montagne on vit avec ce qui vous entoure. L&

Un métier

Un métier Il fallait un métier. Pour gagner sa vie. C'était dans l'ordre des choses. Les choses étaient des murs, des sols, des portes et des fenêtres, des allées, des rues, des barrières, des placards, des vêtements, des bureaux, des horaires, des blouses de travail, des cours de récréation où les hommes d'un côté, les femmes de l'autre, se côtoyaient, échangeaient les mêmes paroles, les mêmes sévérités immuables chaque matin malgré leur renouvellement conforme à l'actualité. Pourquoi son père ne pouvait-il pas comprendre ? Son père qui n'avait jamais échangé une parole avec lui. D'un homme de cinquante ans à un homme de quinze ans. D'un homme de quarante ans à un homme de cinq ans. Jamais. Seulement le silence, la présence rare, les gestes, les directives convenues d'un père à un fils à non pas éduquer mais contrôler, cadrer. Sauf à la belle saison, par chance, quand l'enfant le suivait au jardin, il pouvait lui montrer les dégâts des cou

Les ânes choisiraient la paille

    Les ânes choisiraient la paille plutôt que l'or   Héraclite CIII 123 (9 DK) Valeur et non-valeur sont deux qualités contraires que l'on trouve à la fois sur la paille et sur l'or. Mais comme contraires immanents, il y aurait contradiction. Comme contraires relatifs, la contradiction est levée : la paille a de la valeur pour l'âne, est sans valeur pour l'homme, l'or a de la valeur pour l'homme, est sans valeur pour l'âne. La valeur de la paille est naturelle, car l'âne se nourrit de paille, la valeur de l'or est conventionnelle. Chacun, homme et âne, vit dans son monde, monde qui, dans un cas s'inscrit au sein de la nature, non dans l'autre.  Héraclite aurait pu confronter deux mondes naturels, écrivant par exemple : « Les ânes choiraient la paille plutôt que les vers de terre. » Cela suffirait pour expliquer ce que sont les contraires relatifs. En disant : « Les ânes préfèreraient la paille à l'or », il laisse entendre que l'o

Où ?

La mère enveloppe l'enfant  contre elle et ils sortent Le froid de l'hiver La femme L'homme L'adolescent Le bœuf, l'âne, le loup Bientôt le ciel scintille   Statue-menhir (dite) "Dame de Saint-Sernin" (3500 à 2000 av. J.-C.) Musée Fenaille à Rodez Poème r.t

Temple le monde

un mot me fait partir (me surprend) "contempler" l’éloignement sans distance cela surprend mais dans la saisissure qui accepte le recul comme une composante du rapprochement ni de loin ni de près mais dans le saisissement silencieux et respectueux incroyable de saisir soi dans le mouvement en suspend à ce qui me dépasse et que sans saisir je contemple suppose l’étonnement non pas coupé mais relié c’est cette religion du temple que je porte lorsque je m’arrête apaisé un tourment ramené en deux yeux et une âme je l’ai dans la nature près de la rivière et dans mon pas dans la rencontre et la conscience que c’est là ce moment tout ce lieu qui rejoint rassemble l’automne la pluie la brume le ciel bas ou les teintes conspirent à n’être plus qu’une une encre dorée de noir illumine la fin de l’inquiétude me fait passer les vallées en un silence les mots importants ne doutent pas ne sont pas des mots d’incertitude d’écart aéré entre les c

Côté mer

  Il y avait bien une heure que le car roulait sur la route de corniche quand une inquiétude me prit sur sa destination. Je ne savais à peu près rien de l’oncle qui allait m’accueillir. Je m’étonnais de n’avoir encore jamais cherché à me représenter son visage. Lorsque, huit jours plus tôt, mes parents m’avaient transmis, avec une décourageante tiédeur, sa proposition de m’héberger pour la durée des vacances, je n’avais pas eu une pensée pour l’inconnu. Ce n’était pas lui, c’était la mer qui m’invitait à glisser indéfiniment, entre deux traînes d’écume, d’atterrages secrets en anses paradisiaques. Le car semblait ne devoir jamais finir de louvoyer au-dessus de calanques abruptes et tortueuses. Du dernier point qu’atteignait la route, il faudrait encore une heure de marche pour arriver jusqu’au hameau maritime où j’étais attendu. C’était, disait-on, un minuscule village dédaigné par l’enfance et la jeunesse. Les gens que j’y verrais seraient sans doute pareils au gros homme qui, assis à

comment c'est l'Italie ?

il y avait toi sautant dans les feuilles jaunes, rousses il y avait la tasse de café noir, le tintement de la cuiller il y eut cette couleur bleu ardoise des mares il y avait le chat aux yeux filigranés ; il y avait le sang des roses il y avait ta mère pourquoi ne me suis-je pas satisfait de cela ? pourquoi ai-je convoité une autre chose, une autre encore ? je suis fatigué je ne suis pas sûr de garder la maîtrise de ceci, de cela, de ceci encore ce cahier n’est qu’une cendre puis, je ne suis pas l’oncle de Chagall ; je suis incapable d’une telle prouesse l’oncle, quand il était épuisé ou malade, il grimpait sur le toit de son isba et il jouait du violon, figure-toi jusqu’à ce qu’il retrouve une assiette, une raison faire le pitre pour s’en sortir c’est pour cela que Chagall fait voler ses maisons ses vaches ses paysans; c’est pour cela que sa tour Eiffel se promène à dos d’âne, que la lune joue de la trompette et les chats philosophent l’oncle jouait des airs

La violence et le sacré

L'incompréhension moderne du religieux prolonge le religieux et remplit, dans notre monde, la fonction que le religieux remplissait lui-même dans des mondes plus directement exposés à la violence essentielle : nous continuons à méconnaître l'emprise qu'exerce la violence sur les sociétés humaines. C'est pourquoi nous répugnons à admettre l'identité de la violence et du sacré. Il convient d'insister sur cette identité ; le domaine de la lexicographie est particulièrement approprié. Dans de nombreuses langues, en effet, et particulièrement en grec, il existe des termes qui rendent manifeste la non-différence de la violence et du sacré, qui témoignent de façon éclatante en faveur de la définition proposée ici. On montre sans peine que l'évolution culturelle en général et l'effort des lexicographes en particulier tend presque toujours à dissocier ce que le langage primitif unit, à supprimer purement et simplement la conjonction scandaleuse de la violence e