Contrairement à ce qu'on pense, le dernier disque de Glenn Gould, non pas publié, mais enregistré, ne fut pas les Variations Goldberg, mais la Sonate de Strauss op.3 n°1, gravée au RCA studio A à New York en septembre 1982. Un mois après, la mort déroba le pianiste à notre vue et le rendit à la force de la musique qui est la force de l'invisible.
Quand Gould enregistra pour la première fois les Variations Goldberg en juin 1955, une partie du succès incroyable du disque fut sans doute dû au photos de Dan Weiner qui l'ornaient. De longs cheveux bruns, des pommettes saillantes, un air qui n'était qu'à lui de toiser le monde, à la fois impérieux et assiégé. Un jeune romantique consumé de nostalgie, qui aurait abusé de la permission qu'ont les hommes d'être beaux. Quand Gould réenregistra les Golberg, en avril et mai 1981, on fit en même temps un film sous la direction e Monsaingeon. Voyant ce film, on est atterré par le physique de Gould. Il a grossi, s'est affaissé. Ses vêtements sont gris, neutres, inexistants, sans forme, ses traits ruinés. Mais il porte des lunettes à monture noire. Pourquoi ? Gould ne joue pas en déchiffrant, puisqu'il n'y a pas de partition. De toute façon, il jouait toujours les yeux clos. Peut-être les lunettes n'avaient que des verres non correcteurs, et ne lui servaient pas à voir, mais à n'être pas vu. Peut-être son destin tout entier fut-il là : il ne voulait pas être vu, il voulait être entendu.
Quand Gould enregistra pour la première fois les Variations Goldberg en juin 1955, une partie du succès incroyable du disque fut sans doute dû au photos de Dan Weiner qui l'ornaient. De longs cheveux bruns, des pommettes saillantes, un air qui n'était qu'à lui de toiser le monde, à la fois impérieux et assiégé. Un jeune romantique consumé de nostalgie, qui aurait abusé de la permission qu'ont les hommes d'être beaux. Quand Gould réenregistra les Golberg, en avril et mai 1981, on fit en même temps un film sous la direction e Monsaingeon. Voyant ce film, on est atterré par le physique de Gould. Il a grossi, s'est affaissé. Ses vêtements sont gris, neutres, inexistants, sans forme, ses traits ruinés. Mais il porte des lunettes à monture noire. Pourquoi ? Gould ne joue pas en déchiffrant, puisqu'il n'y a pas de partition. De toute façon, il jouait toujours les yeux clos. Peut-être les lunettes n'avaient que des verres non correcteurs, et ne lui servaient pas à voir, mais à n'être pas vu. Peut-être son destin tout entier fut-il là : il ne voulait pas être vu, il voulait être entendu.
Michel Schneider, Glenn Gould, piano solo, Gallimard 1994
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