Légende de Nkokolani
Au commencement du Temps il n'y avait ni fleuve ni mer. Sur le paysage pointillaient quelques lagunes, éphémères filles de la pluie. À la vue de l'aridité des plantes et des bêtes, Dieu décida de créer le premier fleuve. Il arriva, cependant, que son lit s'obstinât à s'étendre au-delà des rives. Pour la première fois Dieu craignit que la création défiât le Créateur. Et Il soupçonna que le fleuve eût appris à rêver. Ceux qui rêvent goûtent la saveur de l'éternité. Et celle-ci est un privilège des seules divinités.
Avec ses longs doigts, Dieu suspendit le fleuve dans les hauteurs pour ensuite raccourcir ses extrémités, l'amputant de l'embouchure et de la source. Avec une délicatesse paternelle, Il redéposa le filet d'eau sur le bon sillon de terre. Sans commencement ni fin, le fleuve repoussa les rives et s'étendit à l'infini. Les deux berges se firent si distantes qu'elles inspiraient plus encore le désir de rêver. Ainsi inventa-t-on la mer, le fleuve de tous les fleuves.
Mia Couto, A Espada e a Azagaia (L'épée et la sagaie, Les sables de l'empereur, Livre 2 de l'édition Métailié, 2020)
Photo : migrants en méditerrannée
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