Légende de Sana Beneve
Dieu n'a pas créé les gens. Il n'a fait que les découvrir. Il les a trouvés dans l'eau. Tous les êtres vivants immergés comme des poissons. Dieu a fermé les yeux pour regarder dans l'eau. À cet instant, Il a aperçu des créatures qui étaient aussi anciennes que Lui. Et Il a décidé de prendre possession de tous les cours d'eau. C'est ainsi qu'Il a emballé les fleuves dans ses veines et qu'Il a gardé les lagunes dans son cœur. Quand Il a atteint la savane, le Créateur s'est libéré de sa charge. Les hommes et les femmes sont tombés à terre. Se débattant sur le sable, ils ont ouvert et fermé la bouche, comme s'ils cherchaient à parler et que les premiers mots n'avaient pas encore été inventés. Hors de l'eau ils ne savaient pas respirer. Suffoqués, ils ont perdu conscience. Et ils ont rêvé. C'est en rêve qu'ils ont appris à respirer. Quand, pour la première fois, ils ont rempli leurs poumons, ils ont fondu en larmes. Comme si une part d'eux était morte. Et elle l'était : c'était leur part poisson. Ils pleuraient, regrettant leur sort de créatures du fleuve qu'ils n'étaient plus. Désormais, quand ils chantent et qu'ils dansent, ils ne font que célébrer cette nostalgie. Le chant et la danse les rendent au fleuve.
Mia Couto, A Espada e a Azagaia (L'épée et la sagaie, Les sables de l'empereur, Livre 2 de l'édition Métailié, 2020)
Photo AFP/Mahmud Turkia, Tunisie, août 2023
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