Il faut imaginer un enfant.
Il faut imaginer deux femmes, dont l'une est morte. Elles l'avait éduqué. Il faut savoir aussi — dit quelque part le texte — "on n'aime pas les enfants, on les éduque." Le texte s'intitule "Vieilles", l'autrice s'appelle Danielle Bassez — publié en 1995 chez Cheyne éditeur. Extrait p. 18 :
Ce qu'on ne peut obtenir, il ne faut pas le vouloir. Pour résoudre la contradiction, il avait effacé ce regard. Elle, et l'autre, il les avait repoussées, rayées de sa vie, il n'était resté d'elles que deux figures compassées, ronchonnantes, piliers de l'ordre dont il se gaussait. Les échos lui parvenaient de leurs évaluations. Elles n'avaient souci que des grades, des honneurs, ou siégeaient aux tribunaux d'infamie. Il en tirait un plaisir qui faisait mal, s'appliquait à s'exclure, à se déraciner. Il aimait la vitesse, il était de passage. A la nuit tombante, il filait sur les routes, inquiet de ces lampes déjà allumées, de ces maisons fermées, déjà repliées sur leurs lumières, des cercles bouclés. Il errait dehors, ça ne leur serait pas venu à l'idée, et lui les imaginait, ayant fait le tour de toutes leurs serrures, en train de suçoter leur potage. Leur maison n'était pas de celles qui s'ouvrent, où va frapper le fils prodigue, leur bras n'était que bras de justice, qui mesure ce qui est dû, ou s'abat.
Danielle Bassez, Vieilles, Cheyne éditeur
Peinture de Winfields Andrew Wyeth
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