Il y en a qui pensent que vous n’auriez pas dû. Mais voilà, vous quittez Avignon, en mai 1349, par un après-midi radieux, après avoir salué votre confrère et maître, le grand chirurgien Guy de Chauliac. Lequel a cherché, en vain, à vous dissuader de ce départ précipité et très circonstanciel. Non pas que vous ne méditiez pas ce départ depuis longtemps : vous êtes las de la ville, du métier, des uns et des autres. De tout. Il vous semble qu’un long voyage à pied pourrait réparer. Ou relancer. Enfin, vous ne savez plus trop. Aller vers le nord demeure votre seul objectif ; le reste se décidera en route. Le temps fera aussi la chose, peut-être. De toute façon, un homme failli ne manque à personne, songez-vous. Vous longez les berges du Rhône, longtemps, plutôt que d’emprunter la voie carrossable : vous voulez être seul. Vous marchez à travers les pâtis, les bosquets, les gâtines, la plaine, grasse Lancine Nom de Dieu vous jetez vos jambes là-dedans, d
Tout est emprunté, même la vie.