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Affichage des articles du mai, 2014

Un libraire

Ecoutez, chère amie, je vous propose ce livre «Un médecin de campagne» de Balzac. Pas récent, mais je l’ai lu d’un trait ; captivant, je vous assure ; vous verrez, il y a des personnages très attachants notamment ce médecin, le docteur Benassis. C’est la bonté même. Enfin, je ne vous en dis pas plus, je ne veux pas vous retirer le pain de la bouche mais vous connaissant, vous ne pouvez que vous régaler. Vous devriez le faire lire à votre malappris de maire ensuite ; ces gens, c’est malheureux, mais il leur faut l’autorité d’un maître, pour faire travailler leurs cervelles et encore ; toute spéculation nouvelle les effraie ; à croire qu’ils ont la complexion naturellement faite pour le rabâchage, le piétinement, la même antienne ressassée de génération en génération du genre flegmatique, oui, du flegme plein les veines, je suppose. Et puis, je viens de découvrir une nouvelle revue scientifique du tonnerre ; c’est de Rouen. Tenez voir, je vous la prête et prenez votre temps. Entre

Une parenthèse

ainsi la fleur pompe et vous avez peut-être raison de lier la grâce la couleur les dentelles des pétales aux limbes aux ordures aux corruptions du sous-sol après tout c'est bon sens ; le botaniste n'est pas là pour embellir – direz-vous il n'est pas un artiste encore moins un moraliste il observe, examine, recense, classe, décrit de la façon la plus neutre, sans rien ajouter de ses humeurs, de ses passions, de ses abois qui biaise trouble gauchisse l'analyse il s'efface il disparaît – la douce fosse sans doute est-ce la raison pour laquelle pas une seule fois dans cet herbier ne figure votre nom vous vous êtes retiré, soustrait complètement radicalement vous avez renoncé à ce cancer du Moi je ; Moi je bouffe, je baise, je pousse tout ce qui me porte ombrage Moi je suis la loi le monde le moment le monument Moi j'y suis j'y reste qui m'aime me suive la plante s'en contrefout la fleur s'en fiche des Eglises des Réformes et des Contre-

à l'école

Aux récréations, tandis que les autres jouaient aux billes, Arezki et lui regardaient la lumière bondir d'un versant de la montagne à un autre. Ils s'amusaient à parier qu'avant de regagner la classe, elle aurait dévoré ce pic qui les fascinait parce qu'il ressemble à une tête encapuchonnée. Parfois, les jours où le vent souffle et la clarté est légèrement voilée, il se met à acquiescer "comme un âne". C'était l'expression qu'ils reprenaient en chœur. Et les instituteurs s'arrêtaient de parler pour les écouter rire.        Comme Arezki avait ri de bon cœur ce matin de septembre ! Ce qui se passa alors dans la tête d'Ahmed allait séparer le monde qu'il aimait du reste de la terre, toutes les douceurs de la maison, de l'étable, de la vache qui dormait paisiblement dans ses draps dorés de soleil. Il lui sembla qu'il les voyait s'en aller avec une rapidité fracassante. Une sueur froide glissa sur son front. Il fut saisi d'

Le mariage

       Le cheval avance fièrement. Sa robe étincelle à en brûler les yeux. Les oliviers baignent dans le soleil de deux heures. Les cris des enfants et les youyou des femmes éclaboussent. La mariée glisse au bord du ruisseau. Mokrane la conduit vers son mari, avec la dignité d'un serviteur de l'amour. Cela plaît à Ahmed de voir Mokrane et personne d'autre guider cette fée, irradiante de beauté. Chacun est animé d'une formidable gaieté. La nature elle-même s'associe à la joie du cortège, accentuant en bordure du chemin d'amples senteurs de menthe sauvage.        Quand tout le monde a gagné la fontaine, le silence se fait. Nadia délaisse sa monture et s'approche du bassin. Les femmes se mettent à fredonner un air qui entre droit au coeur comme un chant purificateur. Dans ses mains en conque, Nadia porte à ses lèvres un peu d'eau qu'elle boit lentement. Une goutte s'échappe le long de sa gorge, pareille à une perle de rosée. Nadia remonte ens

Anna

Des semaines qu'Anna avance dans la maison et visite tout de fond en comble. Ce matin seulement, elle accepte que Pauline lâche son doigt. Alors elle glisse, prudente, un pied, puis l'autre... Elle s'arrête. Elle regarde Pauline gravement, juste quelques secondes. Juste le temps que Pauline ait envie de pleurer, doucement, c'est elle qui est orpheline maintenant, elle a perdu son enfant. Elle pense : "Va ! Va seule ! Va loin ! Tu as de la route à faire. Des plaines et des fleuves et des montagnes sur ton chemin, qu'il te faut franchir seule. Va loin ! Va vite ! De l'autre côté de la montagne, tu verras, le soleil décline. Va ! Va sans moi ! Et n'oublie pas, n'oublie jamais, c'est moi qui t'ai fait cela. Je t'ai ordonné de partir. Je t'ai contrainte. Je t'ai laissée. La mort, tu l'affronteras sans moi. Tu es seule maintenant. Tu es toujours seule désormais. Tu es comme moi. Et nous ne serons plus jamais jointes. Souviens-to