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Affichage des articles du octobre, 2014

qui répétait sans fin et après et avant Histoire

Chez un bouquiniste, il acheta les quinze ou vingt tomes de La Comédie humaine reliés d'un maroquain brun-rouge qu'il lut patiemment, sans plaisir, l'un après l'autre, sans en omettre un seul, en écoutant le vent frotter les toits avec bruit, faire battre quelque part un volet. En dehors de rares parents, il ne connaissait dans la ville qu'un vieux peintre perpétuellement ivre qui répétait sans fin les mêmes vergers de pêchers en fleurs et chez lequel il rencontra quelques gens échoués là comme lui. Peu à peu il changeait. Il recommença à lire les journaux, regardant les cartes qu'ils publiaient, les noms des villes, des côtes ou des déserts où continuaient à se livrer des batailles. Un soir il s'assit à sa table devant une feuille de papier blanc. C'était le printemps maintenant. La fenêtre de la chambre était ouverte sur la nuit tiède. L'une des branches du grand acacia qui poussait dans le jardin touchait presque le mur, et il pouvait voir les

Peu à peu... et avant Le tramway

Il ne lisait rien, même pas un journal, regardait d'un oeil froid, parfaitement indifférent, lorsque l'une des vieilles femmes lui tendait celui du jour, les titres annonçant des bombardements, des batailles d'avions ou des torpillages de navires, parcourait les nouvelles des villages de la région, la chronique sportive, le tout en pas beaucoup plus de cinq minutes, repliait le journal et le posait sur la table. Un jour il acheta cependant un carton à dessin, du papier, deux pinces et, au cours de ses promenades, il s'asseyait quelque part et entreprenait de dessiner, copier avec le plus d'exactitude possible, les feuilles d'un rameau, un roseau, une touffe d'herbe, des cailloux, ne négligeant aucun détail, aucune nervure, aucune dentelure, aucune strie, aucune cassure. Les feuilles encore accrochées aux sarments des vignes étaient d'une intense couleur pourpre, parfois roses, parfois vertes encore, du moins le long des nervures. Une pourriture jaune o

Quelques pages avant la fin : L'acacia

Dans les crépuscules vaporeux et roux de l'automne, un faible vent étirait en longues traînées bleutées les fumées des feux odorants où brûlaient les feuilles mortes. Les vignes achevaient de se dépouiller, laissant de nouveau apparaître la terre, entrecroisant leurs sarments nus d'un brun orangé. Les routes étaient désertes. Il n'y passait que de rares camions dont on pouvait entendre de loin le bruit croître puis décroître dans le silence. Tout était paisible, intact, inchangé. Il se couchait tôt : ou bien il s'endormait tout de suite ou bien, si le sommeil tardait trop, il se levait, s'habillait, sortait silencieusement et retournait au bordel. Si la fille rousse était prise, il attendait paisiblement en fumant des cigarettes ou échangeait quelques mots avec l'une ou l'autre des femmes dans le diminutif de vocabulaire dont elles disposaient (le même dont il usait depuis quatorze mois avec les cavaliers de son escadron ou les prisonniers dans la baraque)

Le temps long

Le papillon porte le temps long sur ses ailes en couleurs chatoyantes en insaisissable légèreté en silence en un jour ou deux seulement il aura brûlé sa vie. peinture de Aline Coton