Au retour nous sommes passés en voiture devant le chemin qui mène au Cimetière aux ânes et nous l'avons salué du regard sans nous y arrêter. Comme si nous ne voulions pas éveiller tout de suite ses fantômes. Pour nous l'été commençait. Ce lieu, je l'avais découvert avant de t'avoir rencontré, dans une existence antérieure pour reprendre une expression que tu affectionnais. J'étais alors une jeune brute inconsciente d'elle-même qui ne connaissait rien à la vie, l'humanité sous ses formes délicates et tendres m'était étrangère, j'étais insensible et froide sauf à certains paysages, à certains sites comme celui-ci. À cette époque on ne passait pas par la route qui monte de Mude pour aller au Cimetière aux ânes mais par la route du haut, celle qui surplombe la baie de Morsiglia. Là, à la hauteur d'une croix qui servait de repère, un sentier à peine visible menait en plein maquis à ce que nous appelions la ligne des moulins. C'étaien
Tout est emprunté, même la vie.