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Affichage des articles du octobre, 2018

Erevan

Je suis allé chez mon ami Erevan. C’est un artiste. La municipalité lui cède un petit grenier. Je m’arrête dans l’escalier : Le piano m’a précédé dans les marches, il les survole, les débaroule, les monte et les descend, craque et danse, verse des lumières, des couleurs dans cet escalier sombre. Je me colle contre le mur pour lui laisser la place, ne pas gêner le passage des virevoltes, interrompre les murmures, les respirations. Toutes les formes, toutes les couleurs jaillissent, s’éteignent, se cachent, se replient, roulent comme la poussière du soleil dans une moisson de blé, comme les ruisseaux, les fleuves, comme la pluie. Le monde entier vient à moi dans l’escalier, il s’approche, pèse doucement sur moi, me fait asseoir. Je ne sais pas combien de temps je suis resté ainsi. Je suis redescendu sans frapper à sa petite porte au sommet de l’escalier. Dans la rue il faisait encore beau, que dis-je, beau comme jamais, dans cet endroit de la vieille ville, un peu au-dessus des to

Les deux

La nuit, ils parlent du complexe avec une désarmante simplicité. Ils parlent et même souvent sans parler, ils agissent, ils s'entendent, ils jouent à quatre mains et tout est l'instrument. Peut-être parce qu'ils sont issus pour l'un de rêve, et l'autre d'écriture, ils sont de la même pâte imaginaire. La pâte des chairs mêlées. Les chairs imaginantes. Chaque jour André – Andres – arpente les rues. Martin le devine de sa fenêtre, l'observe les yeux fermés, le voit reprendre place dans le fourmillement du livre. Martin met le livre dans sa poche et André dedans. Il part, croise des André en liberté, des Andres, des mélodies, des arpèges s'égrenant ou sautillant, silhouettes vivantes, écorces elles-mêmes d'une autre vie – ou de multiples vies internes. Martin voit tout cela, et Andres aussi, dans leur échange de regard, d'un mot, de quelques mots parfois. Il leur arrive de convoquer quelque chose dans un bout de conversation : le temps, les

Rue du 11 octobre

Ils sont tranquilles sur leur rivage. Aucun cyclone, aucun raz de marée, aucun tsunami ne les agresse, pour le moment. Le soleil radieux d'été indien tombe sur la fenêtre de Martin, sur sa poitrine, sa tête, sa feuille de papier, entre ses bras, entre les bras du fauteuil. Quel est ce bruit ? ces voitures, ces fourgons qui passent, cette cloche qui sonne un glas, ce balayeur de rues, cette voix plaintive, répétitive, lente, empâtée, qui articule avec peine, avec constance... Des choucas crient, Martin les regarde au coin du toit, leur corps lisse, noir, compact, agressif. Le bec court ouvert comme des ciseaux. Furtifs et assurés dans leur vol. Martin regrette les freux. La municipalité n'a de cesse de les chasser, détruire leurs gros nids de bois dans les platanes, eux qui sont si sociables, enjoués, éloquents, grandioses dans leurs ballets l'automne au-dessus de la rivière. Leurs voix sonores à l'égal des cloches mais organiques au lieu d'être minérales. Rouco

Pour René Schlosser

Le souffle du pinceau sur la montagne Le souffle de la montagne sur le pinceau Soleil d'encre écrasé Soleil d'encre écrasée   René Thibaud