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Articles

Affichage des articles du juillet, 2013

Matinale

Elle se réveilla avant lui et sortit de bonne heure ramasser des mangues fraîches, pleines de rosée du matin. Au passage, elle déposa un baiser léger sur le museau d'un petit veau au piquet. L'air était léger, elle marchait en songeant que c'était lui pour une fois qui allait allumer le feu en chantant ses rastafaries incantatoires du matin pour son dieu Jah. Elle portait la veste de treillis de Sam et, machinalement, en regardant s'envoler deux lourdes tourterelles, elle plongea les mains dans les poches et y trouva le billet d'Aurore. Le sang se retira de son visage brun, elle s'assit sur un bout d'arbre mort au milieu du morne. Des sillons de rage déformaient ses traits, elle pressa le pas et arriva vers lui au moment où il se dirigeait vers la cuisine extérieure à la case. Il préparait effectivement le feu du matin en coupant nonchalamment quelques bouts de bois sec. Elle ne le regarda pas et lui, surpris par son nouveau visage, lui fit un petit c

Les antipodes

Le tout-monde  Tout un monde  Tout le monde Il faut de tout pour faire un monde  reste mon expression préférée — celle que j'ai entendue de ma mère, qu'elle nous disait souvent peut-être. Ce qu'elle disait venait toujours de profond, même les choses apparemment banales, je ne crois pas avoir connu cela à ce point chez d'autres personnes. Elle écrivait de même. Mon père — qui écrivait bien, mais peu, comme elle, leur vie de modestes travailleurs ne leur en ayant pas trop donné l'occasion — lorsqu'elle admirait ce talent caché qu'il avait d'écrire en cachette des pages magnifiques qu'il nous lisait ensuite, mon père lui disait : oui, mais toi tu écris avec ton coeur. La profondeur de parole comme d'écriture de ma mère était un bienfait inégalé. Il lui venait de son enfance, de ses parents et de plus loin sans doute, de cette écoute et de cet amour du monde qu'ils avaient. Maintenant, il est en moi, indéracinable, grâce à eux et à mon enfance

Les mains

Les fleurettes blanches tremblent tremblent au moindre souffle d’air je vous vois penché sur le dessin de cette fleur dite «Le désespoir-du-peintre» je vous imagine ainsi penché sur votre table après vous être crevé les yeux à tant de beauté, dans le jardin – la rose de Damas, la rose cent feuilles, la rose cannelle, je vous imagine vous voulez le dessin parfaitement fidèle vous voulez la beauté encore, surtout la beauté ça se paie par des crampes dans les doigts, votre plume gratte la feuille, votre plume sévère de botaniste recommence l'élan de la tige l'arc du filet au bout les anthères orange bourses à pollen flottent vous ne savez pas encore en l'année 1600 que ces sacs sont la semence mâle, vous ne savez rien de la manière mathématique des gonades mais là, béant suant devant la page pestant parce que vos doigts sont insuffisants mais là, réfléchi pis qu'un moine vous tremblez déjà vous adoriez tout à l'heure, dans le jardin du prince