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Affichage des articles du août, 2017

La photo en noir et blanc

Isabelle Pouchin dans "Les larmes amères d'Hélène" met en scène cette femme très âgée, prisonnière plus ou moins de son lit, et Julie, la jeune femme qui vient l'aider pour les nécessités de sa vie quotidienne. En attendant Julie qui tarde tellement à venir ce soir-là, Hélène ressasse leurs dialogues dans ses souvenirs...      Sa mère lui avait appris à toucher l'écorce d'un pommier, la livrée d'un poirier en fleurs ; il y avait autre chose que les occupations boutiquières, les tâches alimentaires et plus Hélène avait vieilli, plus le mystère s'était épaissi : si la mer se dresse, si la jument met bas, si la source babille et jute la pomme, que cela se répète depuis des millions d'années et que cela échappe comme une foudre. Qu'est-ce que c'est ? Et le chat se prélassant dans une flaque de soleil, en été, le chat pourpré, qu'Hélène ne pouvait plus accompagner dans le jardin, mais dont les regards aigus, les courses subites, les sa

D'ambre et d'éternité

Il y eut tous ces chants d’oiseaux  déposés amoureusement dans la coquille de  ton oreille finement lobée, que je prenais entre mes lèvres, tous ces parfums de fleurs  offerts à tes narines qui les humaient en plénitude, toutes ces couleurs du printemps dont j’ai fait bouquets à ta contemplation, tous ces fruits que j’ai tendus à ta bouche gourmande. Ainsi, tu es devenu mon jardin. Des automnes t’ont délavé, des hivers t’ont desséché, des printemps t’ont fait renaître et des étés t’ont revêtu de rouge incandescent. Ainsi es-tu devenu le rythme de mes saisons. Et dans mes nuits, au plus loin de mes rêves, nous courons, défiant le temps, à travers les champs, partageons les pommes des paradis de rencontre et nous asseyons près de cet âne, si grave, au regard d’ambre et d’éternité profonde. Le temps, dans ses yeux, nous a oubliés. Noëlle Combet Peinture Annick Servant

Bouche

Bouche baiser ; bouche morsure. Bouche qui mâche ; bouche qui prie. Comment se fait-il que nous n’ayons qu’un seul orifice, qu’une sorte de plaie dans le visage, pour des actes aussi opposés que la mastication et l’embrassement ? Pourquoi dans une même chair, la douceur et l’obscène ? Puis alors, ses paupières, lentes, lentes fauvettes bleu pâle sur mon petit matin, quand elle se réveille, Lucie, qu’est-ce que je dois en faire ? Isabelle Pouchin, extrait de Élise ou l'abri de lettres, éditions Gaspard Nocturne. Kees Van Dongen

Ici, même la mer dort habillée

Une femme à la mer C'est le ventre nu découpé Entre des seins à téter cachés Et un sexe faible caché Que les mots découvrent aux yeux de tous Dans leur cri trempé dans les vagues Et dans la salive fatiguée C'est le ventre nu déterré De cette aire de non-droit Qui s'éveille aux rumeurs des baigneurs Sur le sable entaché de déshonneur Sous un ciel immensément nu. C'est le ventre autour du nombril du monde Crevasse béante où se glissent Les siècles des mâles malades. Ici, on cache la chair viciée des louves Sous des tonnes de soleil Et des tonnes d'étoiles Ici, on cache la chair qui donne soif De demain et d'eau de mer. Ici, les femmes se couvrent de flambeaux Et de drapeaux Pour plonger la tête la première Une fois, une fois seulement Et devenir sirène ou poisson Sans voile et sans ancre. Ici, même la mer dort habillée. Amina MEKAHLI. Une femme à la mer, août 2017 Zao WOU-KI, composition, huile sur toile 150 x 162 cm, 1986