Ecoutez, chère amie, je vous propose ce livre «Un médecin de campagne» de Balzac. Pas récent, mais je l’ai lu d’un trait ; captivant, je vous assure ; vous verrez, il y a des personnages très attachants notamment ce médecin, le docteur Benassis.
C’est la bonté même. Enfin, je ne vous en dis pas plus, je ne veux pas vous retirer le pain de la bouche mais vous connaissant, vous ne pouvez que vous régaler. Vous devriez le faire lire à votre malappris de maire ensuite ; ces gens, c’est malheureux, mais il leur faut l’autorité d’un maître, pour faire travailler leurs cervelles et encore ; toute spéculation nouvelle les effraie ; à croire qu’ils ont la complexion naturellement faite pour le rabâchage, le piétinement, la même antienne ressassée de génération en génération
du genre flegmatique, oui, du flegme plein les veines, je suppose.
Et puis, je viens de découvrir une nouvelle revue scientifique du tonnerre ; c’est de Rouen. Tenez voir, je vous la prête et prenez votre temps. Entre autres, vous y lirez des considérations fort intéressantes sur cette vieille manie qu’ont les paysans chez nous de planter leurs pommiers bien trop près les uns des autres ; manque de lumière, branches et fruits débiles, maladies. Enfin, allez donc expliquer ça à nos rustres ; pardi depuis toujours, mon bon, on fait ainsi ! Sans rire ! Quel gâchis, moi, ça me fait mal au cœur, surtout qu’on peut dire qu’ici tout fait du gras ; ce n’est pas de la terre ce bocage, c’est du lait. Ma sœur qui vit en Provence, bah, je peux vous jurer que c’est une autre musique. Sans rire ! Vous lirez ça, vous lirez ça. On y passe la soirée, la nuit ; le jour vient qu’on s’y refait encore ; ce n’est pas avec ce journal que vous ferez un fagotin pour votre feu, ma Chère ; cela se classe, cela se garde, cela se goûte comme une liqueur très unique.
Il faut y mettre de la lenteur de la lenteur encore de la lenteur, Chère Madame et à la fin, il y a quelque chose en nous qui dégringole, du moins je crois, le suffisant, Madame, le suffisant ou le bêlant, c’est égal. Après, on est propre pour apprendre, pour découvrir, pour grandir, après, on pense avec une sorte de gratitude énorme et c’est bon cette joie-là, tenez.
Isabelle Pouchin, Le roman poème de Berthe et Emma, Gaspard Nocturne, 2014
Edouard Manet, Bouquet de Violettes, 1872
C’est la bonté même. Enfin, je ne vous en dis pas plus, je ne veux pas vous retirer le pain de la bouche mais vous connaissant, vous ne pouvez que vous régaler. Vous devriez le faire lire à votre malappris de maire ensuite ; ces gens, c’est malheureux, mais il leur faut l’autorité d’un maître, pour faire travailler leurs cervelles et encore ; toute spéculation nouvelle les effraie ; à croire qu’ils ont la complexion naturellement faite pour le rabâchage, le piétinement, la même antienne ressassée de génération en génération
du genre flegmatique, oui, du flegme plein les veines, je suppose.
Et puis, je viens de découvrir une nouvelle revue scientifique du tonnerre ; c’est de Rouen. Tenez voir, je vous la prête et prenez votre temps. Entre autres, vous y lirez des considérations fort intéressantes sur cette vieille manie qu’ont les paysans chez nous de planter leurs pommiers bien trop près les uns des autres ; manque de lumière, branches et fruits débiles, maladies. Enfin, allez donc expliquer ça à nos rustres ; pardi depuis toujours, mon bon, on fait ainsi ! Sans rire ! Quel gâchis, moi, ça me fait mal au cœur, surtout qu’on peut dire qu’ici tout fait du gras ; ce n’est pas de la terre ce bocage, c’est du lait. Ma sœur qui vit en Provence, bah, je peux vous jurer que c’est une autre musique. Sans rire ! Vous lirez ça, vous lirez ça. On y passe la soirée, la nuit ; le jour vient qu’on s’y refait encore ; ce n’est pas avec ce journal que vous ferez un fagotin pour votre feu, ma Chère ; cela se classe, cela se garde, cela se goûte comme une liqueur très unique.
Il faut y mettre de la lenteur de la lenteur encore de la lenteur, Chère Madame et à la fin, il y a quelque chose en nous qui dégringole, du moins je crois, le suffisant, Madame, le suffisant ou le bêlant, c’est égal. Après, on est propre pour apprendre, pour découvrir, pour grandir, après, on pense avec une sorte de gratitude énorme et c’est bon cette joie-là, tenez.
Isabelle Pouchin, Le roman poème de Berthe et Emma, Gaspard Nocturne, 2014
Edouard Manet, Bouquet de Violettes, 1872
Cet extrait me donne envie de lire le livre!
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