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Affichage des articles du décembre, 2014

histoires sans paroles

Quand les amoureux quittent leurs corps nocturnes, l'un se pose sur une branche au loin, l'autre s'accoude à la fenêtre. Nous rapprocher c'était comprimer du feu entre nous et nous éloigner, toujours indemnes. De ma fenêtre, je la vois plus petite, une fleur, un oiseau. Un jour avec mon lance-pierres je la tire. Un jour c'est elle qui me tire. Pascal Quignard, Vie secrète, 1998  René Thibaud, Les cahiers de Grignan, 1981 Thami Benkirane, Har-scellement , photographie
Je résiste au désir d'écrire Les mots s'effacent entre Les fenêtres les mots s'écrivent en lettres de disparition Et signent des paysages blancs Enfoncés dans leurs imaginaires Rabroués où les voix tapies Dans l'ancienne fourrure du verbe Où les voix ne trouvent plus Trace aucune des mots Le désir d'écrire n'existe plus Il s'est perdu dans le monde Des images ensevelies dans Les branches tordues des paysages blancs La mémoire est bannie Comme l'émotion ou la Pensée entre les branches Le noir siffle ses chansons De cris et de gémissements On a enlevé les plumes A tous les oiseaux et le poème De leurs corps nus agite Un peu la page où le désir D'écrire résiste à la subversion De son mouvement Les livres sont éteints sous La charge de leurs propres Poids les pages ne bougent Plus elles glissent dans le puits De nos immobiles désertions Soaz Saahli Jean Arp , peinture 1925

Lessive

Après la lessive que nous avions faite ensemble, nos cœurs se sont échauffés, à la nuit nous avons livré bataille sans pitié — rêves de feu, armes blanches. Moins tard peut-être qu'autrefois mais elle tombe toujours la première. Puis elle va vomir. Elle va étendre le linge et débarrasser la table, pour que ça soit fait. De mon côté je vais écrire mon poème. Ainsi, à tous deux, nous rétablissons l'ordre des choses, et son poids sur nos épaules. René Thibaud, Les cahiers de Grignan, 1981 Edward Hopper , aquarelle et crayon sur papier, 1927 

Le poète

Chez lui il tourne depuis si longtemps et les bras si chargés Ah s'il trouvait la porte pour le lâcher ce sac d'oiseaux Qu'ils voleraient, qu'ils piailleraient ! René Thibaud, moeps, 1974 Bengt Lindström, The poet, huile sur toile 1967
En retournant dans ma chambre d'hôtel, je savais qu'au matin, lorsque je l'aurais quittée, j'en ressortirai profondément changée. Il y a des êtres qui se retirent dans des monastères, d'autres larguent les amarres. C'est toujours dans une chambre sordide et anonyme où je m'oblige à séjourner, que je suis arrivée à comprendre les raisons d'un chagrin. C'est toujours dans un tel lieu que je subis une métamorphose et que je peux repartir. De moins en moins légère. Mais je repars vers ce qu'on appelle la vie. Françoise Lefèvre, Se perdre avec les ombres, 2004 Anne Gorouben, " La présence d'Anne (le désir de vivre)"  1990

Pluie, du Maroc à la Loire Atlantique

La pluie est une compagne en Loire-Inférieure, la moitié fidèle d'une vie. La région y gagne d'avoir un style particulier car, pour le reste, elle est plutôt passe-partout. Les nuages chargés des vapeurs de l'Océan s'engouffrent à hauteur de Saint-Nazaire dans l'estuaire de la Loire, remontent le fleuve et, dans une noria incessante, déversent sur le pays nantais leur trop plein d'humidité. Dans l'ensemble, des quantités qui n'ont rien de considérable si l'on se réfère à la mousson, mais savamment distillés sur toute l'année, si bien que pour les gens de passage qui ne profitent pas toujours d'une éclaircie la réputation du pays est vite établie : nuages et pluie. Difficile de les détromper, même si l'on proteste de la douceur légendaire du climat – à preuve les mimosas en pleine terre et ça et là, dans les jardins de notaire, quelques palmiers déplumés – car les mesures sont là : heures d'ensoleillement, pluviosité, bilan annuel.