« On l'aura compris : ce recueil de textes m’a beaucoup intéressée, et [... j’inviterai quiconque...] à y aller butiner, sachant que cela ne suffit pas : s’en servir pour faire son miel nécessite d’y mettre du sien… L’étymologie nous rappelle d’ailleurs que, avant de prendre le sens de « piller », « butiner » signifiait d’abord « partage », qu’il s’agissait de « présenter quelque chose afin qu’un autre puisse le saisir ».Il est vrai que la culture est un butin. A tous les sens du terme, si l'on peut dire – il y en a tant mais tous conviennent, je crois. C'est le miel, couleur de l'or ; c'est le bien commun qu'on s'approprie en le nommant collectivement, et le butin devient aussi le mot lui même, notre langue. Quel beau butin que le créole ! A l'intérieur même du créole, les Antillais ont deux mots, deux jumeaux différents pour le dire (se le héler) de la Martinique à la Guadeloupe "même bitin, même bagaï". Le bagage est au singulier collectif, comme le butin, c'est pourquoi il se partage. Ainsi "butiner" désigne bien ramasser, rassembler, constituer ce tas. Littré le fait remonter au moyen-allemand "bûten". Terme de guerre sans doute, mais différent malgré tout du pillage – individuel, désordonné, destructeur – selon moi.
C'est le bagage immatériel de l'humanité, ce butin arrivé de toutes parts, travaillé, valorisé, partagé et multiplié sans cesse. Enrichissement sans fin. Croissance exponentielle.
René Thibaud
Anne-Marie Combres « Colette Soler. Ce que Lacan disait des femmes », L'en-je lacanien 1/ 2003 (no 1), p. 181-186
Thami Benkirane Photographie
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