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Femme(s) dans un jardin de fleurs

Je sais qu’en m’éveillant mille et une comètes
Ont déjà germé dans le jardin des joies
La voix trop grave d’un fils qui chante faux sous la douche
Une main amoureuse traversant ma peau nue
Des talons pointus jouant sur les pavés une petite musique de pierre
Un morceau de lettre déchirée luisant dans une flaque d’eau
Des adolescents ensommeillés, les paupières bouffies, aux lèvres replètes d’enfants qu’on aurait trop vite détachés du sein maternel
La ville de moitié jour, de moitié nuit
Dont le froid et la brume emmitouflent de mystère les petites lueurs
Rouge, orange, vert
Dorures givrées que l’obscurité abandonne en se retirant
Comme à regret
L’ombre des morts
Le bruit des mots
La goutte de pluie traçant un message secret sur la buée de la fenêtre
Un cri de cristal expulsé de la gorge d’un oiseau
Un rayon de soleil enroulé dans une feuille morte
Un essaim de poussières que la lumière dore
La toile de l’araignée dans un bain de rosée
L’œil de la châtaigne
Entre les lèvres épineuses de la bogue entreclose
Une rose en bouton ou une rose qui meurt
Le livre indéchiffrable sur l’écorce d’un arbre
Les gerbes de champagne jaillissant au goulot des rivières
La fusion des nuages dans le miroir de l’eau
Les ailes immaculées d’un cygne qui s’envole
L’odeur de la terre qu’on garde sur les mains
L’ombre des morts
Le bruit des mots
Je sais qu’en m’éveillant
Malgré mes sommeils trop courts
Malgré, parfois, mes jambes trop lourdes
Quelques ronces d’angoisse autour de mon souffle
Mille et une comètes
Ont déjà germé dans le jardin des joies
Peut-être est-ce la raison qu’il me faut colorer l’insolence de la vie
D’une fleur d’exil que j’appelle
Amour

Poème de Anna Maria Carulina Celli
Peinture de Emil Nolde, Femmes dans un jardin en fleurs, 1916

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