Dans les cosmologies amérindiennes, aborigènes ou encore bantoues, le rêve ne s'oppose pas à la réalité, il en constitue au contraire la dimension la plus profonde : les contours et les catégories s'y estompent pour laisser place au courant des métamorphoses. Les pratiques "indigènes" du rêve ne relèvent pas d'une rêverie pittoresque, mais d'une forme d'imagination éthique et plastique, qui, loin de s'opposer à la mémoire, y trace chaque fois de nouvelles lignes de fuite, et ainsi la reconfigure, continuellement, en "images-actions" – en chimères. Les rêves, qu'ils soient diurnes ou nocturnes, songes intimes ou mythologies collectives, offrent la possibilité d'expérimenter le point de vie d'un oiseau, d'un arbre ou d'une rivière, et nous incitent ainsi à nous soucier de ce qui est à la fois au-delà et au-dedans de nous. C'est d'abord à travers les rêves que nous "réalisons" que nous ne pouvons vivre qu'en relation avec d'autres intelligences terrestres.
Dénètem Touam Bona, Sagesse des lianes, 2021
Peinture de Kees Van Dongen
L'expression "point de vie" est empruntée à Emanuele Coccia dans La vie des plantes, 2016
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